Ahmad c. Canada ( Ministre de l'Emploi et de l'Immigration )
A-555-92
juge Rothstein
17-6-94
10 p.
Demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui a statué que le requérant n'avait pas de bons motifs de craindre d'être persécuté -- Le requérant est arrivé au Canada, du Pakistan, en 1991 -- Membre du mouvement ahmadi -- Le requérant allègue qu'il existe une discrimination et une persécution systématiques des Ahmadis depuis l'adoption de l'Ordonnance XX, qui ajoute de nouveaux articles au code pénal du Pakistan, ces nouveaux articles prévoyant que les Ahmadis, les Quadianis et les Lahoris qui désignent des personnes non musulmanes par certains noms, ou qui se disent musulmans, ou qui d'une façon ou d'une autre font outrage aux sentiments religieux des musulmans sont passibles d'un emprisonnement de trois ans -- Le tribunal a jugé que l'Ordonnance, bien que discriminatoire, ne constituait pas de la persécution -- L'ordonnance n'a pas été évoquée dans la famille du revendicateur, et rien dans les documents soumis au tribunal n'indique qu'il y avait un exode d'Ahmadis du Pakistan -- Le tribunal affirme avoir été saisi de nombreux dossiers mettant en cause des Pakistanais et l'Ordonnance XX, et désire que le revendicateur fasse état de ses problèmes personnels en qualité d'Ahmadi -- Le président a affirmé que le tribunal ne rendrait pas sa décision sur la base de l'appartenance du revendicateur à un groupe social particulier uniquement, sans entendre de témoignage, et qu'il se fierait sur les circonstances particulières du dossier du revendicateur -- Le requérant prétend que le tribunal ne lui a pas fourni à l'audience la possibilité de fonder sa demande sur le motif que l'ordonnance constituait en soi de la persécution à l'endroit des Ahmadis -- Demande accueillie -- Le tribunal a empêché le requérant de présenter ses arguments en faveur du caractère de persécution de l'Ordonnance XX envers les Ahmadis du Pakistan et, par conséquent, il a contrevenu aux règles de l'équité procédurale -- La validité d'une approche fondée sur la nature persécutrice d'une loi d'application générale a été reconnue dans l'affaire Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 3 C.F. 518 (C.A.)[cad 211]Il appartient au requérant de montrer que la loi d'application générale est persécutrice -- La façon dont le tribunal a abordé la question a empêché le requérant de s'acquitter du fardeau de faire cette preuve -- La majorité des dossiers de réfugiés sont examinés en fonction de la situation particulière du revendicateur, mais le tribunal ne peut pas interdire qu'une personne s'appuie uniquement sur le caractère de persécution qu'une loi d'application générale peut avoir à l'égard d'un groupe particulier -- Le tribunal s'est trompé en rejetant la preuve documentaire qui indiquait que toute la population de Rabwah avait été accusée d'avoir enfreint l'Ordonnance XX, le tribunal ayant eu pour motif qu'aucun élément de preuve ne montrait que des mesures avaient été prises par suite de ces accusations -- Ces accusations donnent une certaine crédibilité à l'affirmation que le fait d'être un Ahmadi au Pakistan soulève une crainte raisonnable de persécution à cause de l'Ordonnance XX -- La conclusion selon laquelle il n'existe qu'une simple possibilité de persécution si le requérant retourne au Pakistan constitue une erreur de droit, parce qu'elle ne découle pas de la preuve documentaire qui a établi que des Ahmadis avaient été battus ou attaqués par des bandes -- D'autres tribunaux de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ont accordé le statut de réfugié au sens de la Convention à des Ahmadis en raison des lois persécutrices au Pakistan -- Étant donné que d'autres tribunaux ont conclu à l'existence d'une loi d'application générale au Pakistan qui encourageait la persécution à l'endroit des Ahmadis, il aurait été très souhaitable que le tribunal, ayant choisi d'en arriver à une conclusion différente, explique pourquoi il dérogeait aux décisions antérieures.