Dirshe c. Canada ( Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration )
IMM-2124-96
juge Cullen
2-7-97
10 p.
Demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la SSR a conclu que la requérante n'était pas une réfugiée au sens de la Convention-La requérante est une femme âgée de 35 ans qui vient de la Somalie et qui est membre de la tribu hawiyé et du clan Habr Gedir-Son clan a été persécuté par les troupes gouvernementales en 1989-Le fils et le père de la requérante ont été tués par l'armée-La requérante s'est enfuie dans diverses régions de refuge en Somalie avant de venir au Canada-Elle a revendiqué le statut de réfugiée au sens de la Convention du fait de sa race, de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social, soit celui de la tribu hawiyé et du clan Habr Gedir-Par suite des changements survenus dans la situation du pays, le tribunal a conclu que la requérante n'était pas une réfugiée au sens de la Convention-Le tribunal a conclu que la requérante ne risquait plus raisonnablement d'être persécutée parce qu'une possibilité de refuge intérieur (PRI) s'offrait à elle, c.-à-d. qu'il serait raisonnable pour la requérante de chercher refuge dans les régions oú elle avait déjà vécu pendant qu'elle essayait d'échapper aux attaques-Le tribunal a rejeté la crainte que la requérante avait d'être violée en Somalie si elle y retournait-Il est ressorti de la preuve documentaire que le clan Habr Gedir était partagé en deux factions qui se font la guerre-Demande accueillie-Pour qu'il existe une PRI, la région sûre doit être une région dans laquelle on ne risque pas réellement d'être sérieusement en danger et que, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, il ne doit pas être déraisonnable pour la personne concernée de se rendre dans cette région-Il faut notamment tenir compte de la possibilité pratique pour la personne concernée de se rendre dans la région en cause, de sa capacité de s'y rendre légalement et de la stabilité de ladite région-1) Le tribunal n'a absolument pas fait mention d'éléments de preuve contradictoires concernant la condition de la femme en Somalie, en particulier des questions de viol, de violence contre les femmes, d'érosion des droits de la femme, et de la nécessité que la personne en cause, pour obtenir une protection adéquate, soit fortement appuyée par sa famille-Les questions de poids de la preuve relèvent de la compétence du tribunal, mais ce dernier doit au moins mentionner pourquoi il accorde peu d'importance aux éléments de preuve documentaire contradictoires qui influent profondément sur la revendication ou pourquoi il les rejette-2) Pour qu'une PRI soit viable, il doit être physiquement possible pour le requérant de se rendre dans la région en cause-Cela comporte une appréciation de la façon dont le requérant doit se rendre dans cette région-S'il est dangereux pour le requérant de se rendre dans la région en question, il est impossible de dire que la PRI est une possibilité pratique-Rien ne montre que le tribunal se soit arrêté à la possibilité pratique pour la requérante de se rendre en fait dans la région visée par la PRI-La requérante devrait fort probablement se rendre à pied dans la région visée par la PRI-On a présenté au tribunal une preuve tendant à montrer qu'il y a des bandes de voleurs et de miliciens armés qui rôdent dans le pays et que les femmes risquent d'être violées par des hommes n'appartenant pas à leur propre clan-Le tribunal a tenu compte de la sécurité des femmes uniquement dans la région visée par la PRI contrôlée par les Habr Gedir-Dans les circonstances de l'espèce, il fallait examiner la crainte de la requérante compte tenu du fait qu'elle devait se rendre dans la région visée par la PRI-Il existait une preuve de persécution des femmes pour des motifs prévus par la Convention en essayant de se rendre dans la région oú une PRI s'offrent à elles-3) Le critère pour déterminer si la PRI est raisonnable est celui de savoir si la requérante peut raisonnablement et sans préjudice excessif trouver un refuge-Le tribunal ne semble pas avoir tenu compte du témoignage que la requérante a présenté au sujet du fait que son père et son fils avaient été tués-Les liens familiaux intimes de la requérante en Somalie ont tragiquement été rompus-Il existe une preuve d'hostilités continues entre les clans, et même de lutte à l'intérieur des clans eux-mêmes-La requérante serait jetée seule dans pareil milieu sans l'appui ou la protection de sa famille-4) Les changements qui surviennent dans la situation d'un pays doivent être appréciés selon les répercussions qu'ils ont sur la situation du revendicateur-Le fait que le tribunal conclut que des changements sont survenus dans la situation d'un pays ne met pas pour autant un terme à la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention-Le tribunal a commis une erreur relativement à plusieurs éléments cruciaux de la PRI-Les conclusions erronées portaient sur des éléments essentiels de la revendication de la requérante-Cela constitue une erreur de droit sérieuse qui a donné lieu à une décision manifestement déraisonnable.