Kiku Fisheries Ltd. c. Canadian North Pacific Ocean Corp.
T-1666-97
protonotaire Hargrave
15-9-97
21 p.
Requête en radiation des aspects in rem de la déclaration et en annulation de la saisie du navire Limanskiy faute de cause raisonnable d'action ou pour cause de déclaration scandaleuse, futile ou vexatoire ou constituant un emploi abusif des procédures de la Cour-Dans l'action, Kiku demande la remise d'une cargaison de rogue de hareng congelée ou le versement de 225 000 $ en dommages-intérêts-Le Limanskiy transportait 700 tonnes de rogue de hareng congelée expédiées de Russie par le vendeur, IT & F, qui lui-même n'avait pas été payé-L'expédition avait été commandée par la CNPOC, qui avait conclu un contrat avec Kiku pour la livraison de 1 200 tonnes de rogue de hareng congelée-Kiku a versé 165 000 $, comme acompte sur le prix d'achat-Ce versement était censé conférer à Kiku, sur la rogue de hareng, un droit équivalant à la somme versée à la CNPOC-Kiku et Yamazaki sont des sociétés de transformation de produits de la mer-Elles ont toutes deux versé des sommes considérables à la CNPOC, et les deux ont en leur possession des documents dénommés «connaissements», les deux faisant valoir un droit sur le hareng-Marcom, affréteur au voyage, a donné l'ordre au capitaine d'émettre deux jeux différents de connaissements, sur lesquels le nom de CNPOC apparaîtrait comme consignataire, mais sur l'un la société à contacter devait être la Yamazaki et, sur l'autre, la Kiku-Le capitaine a également émis un troisième connaissement nommant la Yamazaki comme consignataire-La CNPOC a émis son propre connaissement, y inscrivant le nom de Kiku en tant que consignataire-Sans que Kiku en soit informée, le connaissement signé par le capitaine et donnant Kiku comme consignataire a été annulé-Il y avait également un contrat conclu entre Kiku et la CNPOC, présenté comme conférant à Kiku une forme de possession sur la cargaison-Kiku n'a pas été informée de l'arrivée du Limanskiy à Vancouver-Lorsque Kiku, apprenant l'arrivée du navire, a produit le connaissement qui la liait au bateau, la cargaison avait déjà été déchargée-La requête est rejetée-D'importantes questions de droit, ou des points de droit litigieux ou incertains, ne devraient pas être tranchés dans le cadre d'une requête sommaire en radiation-L'affaire soulève plusieurs questions de droit intéressantes qui ne se posent guère fréquemment, voire certains points de droit qui n'ont peut-être jamais été tranchés, du moins avec netteté-La déclaration fait état du contrat intervenu entre la Kiku et la CNPOC, et le fait est pertinent car il tend peut-être à démontrer qu'une part du hareng, en proportion des acomptes versés par Kiku, avait été réservée ou affectée à celle-ci, ce qui aurait entraîné la création d'un certain droit reconnu en equity-Il y a aussi la question de la correspondance entre les demandes déposées par la demanderesse et la compétence que la loi confère à la Cour fédérale-Les actes dont se plaint la demanderesse se sont produits à diverses époques pendant le voyage, après que le navire eut accosté et eut été entièrement déchargé-La Kiku invoque la négligence dont témoigne l'émission des connaissements additionnels qui ont permis de l'évincer, invoquant le présumé manquement à l'obligation incombant au transporteur en tant que dépositaire à titre onéreux, à la fois parce qu'il n'a pas livré la cargaison de rogue de hareng à Kiku, porteuse du premier connaissement, et parce qu'il a manqué de signaler à celle-ci l'arrivée de la cargaison, l'affaire relevant, dans ces conditions-là, de l'art. 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale-Est également invoqué l'art. 22(2)e), aux termes duquel la Cour fédérale a compétence en matière de demandes touchant une cargaison, et l'art. 22(2)i), qui confère compétence à la Cour à l'égard des demandes relatives au transport de marchandises à bord d'un navire-Les points essentiels sont 1) la nature même du connaissement; 2) la question de savoir si celui-ci expose le navire à une action in rem; 3) si Kiku a un droit sur la cargaison; 4) si le capitaine ou les propriétaires avaient l'obligation d'avertir Kiku puisque celle-ci figurait sur le connaissement en tant que destinataire à contacter-Si rien n'indique que le connaissement en question soit un document négociable, rien n'indique non plus qu'il ne le soit pas-La demanderesse soulève une question qui, selon elle, n'a jamais été tranchée, en l'occurrence la question de savoir si la remise d'un connaissement non négociable confère un droit ou transfère la possession-Il n'y a pas lieu de radier la partie in rem de la déclaration simplement en raison d'un principe qui n'est peut-être pas fondé et selon lequel la cession d'un connaissement non négociable serait de nul effet-Cette question, il est clair, reste à trancher après débat-Kiku affirme également que l'endossement et la remise d'un connaissement, même non négociable, peut donner naissance, sur les marchandises en question, à un droit reconnu en equity même lorsque le connaissement ne porte pas la mention «à ordre ou aux ayants droit»-Se pose la question de savoir comment Kiku a obtenu l'endossement de ses connaissements, et si la personne qui les a endossés était autorisée à le faire-En l'état de la preuve, il est impossible de dire si l'on a fait passer la personne ayant endossé les connaissements comme ayant effectivement autorité pour le faire-Autre point controversable s'agissant de savoir si le droit, reconnaissable en equity, qu'aurait conféré à Kiku le connaissement en question, pourrait être davantage étoffé en raison des clauses inscrites dans les deux accords de traitement des produits de la mer-La preuve ne permet guère de dire si la cargaison a été remise à la CNPOC, puis entreposée par Yamazaki, ou si elle a été remise à Yamazaki-Ces questions devront être tranchées lors du procès-La question essentielle est le point de savoir si le Limanskiy a fait l'objet, entre KAO et Marcom, d'un affrètement à coque-L'interprétation d'un contrat maritime tel que le contrat intervenu entre Marcom et la KAO pour l'utilisation d'un navire, est une question de droit qui devra être tranchée au procès-Enfin, Marcom demande la radiation de l'argument voulant qu'un transporteur soit dans l'obligation d'informer de l'arrivée de la cargaison le consignataire à contacter-Il ne s'agit aucunement d'un argument désespéré-Il est loisible de soutenir qu'un transporteur maritime est tenu d'aviser les personnes inscrites au titre de transport-Marcom n'a pas démontré que les demandes formulées par Kiku sont manifestement, de toute évidence et indubitablement futiles au point de n'avoir aucune chance d'aboutir-En ce qui concerne certaines inexactitudes dans l'affidavit portant demande de mandat, la Règle 1003(2) exige que l'affidavit indique le nom, l'adresse et la profession ou occupation du requérant, la nature de la réclamation, le fait qu'on n'a pas fait droit à la réclamation, et la nature des biens à saisir-En l'espèce, selon l'affidavit portant demande de mandat, la demanderesse se fonde sur le défaut de livraison d'une cargaison de 21 939 boîtes de rogue de hareng congelée transportées à bord du navire défendeur, le Limanskiy-Selon Marcom, ce document devrait invoquer la négligence et le manquement aux obligations du dépositaire à titre onéreux-La description de la réclamation ne donne à l'armateur défendeur aucun doute quant à l'objet de la réclamation, cela étant particulièrement vrai vu la teneur de la déclaration-Le fait que lui est jointe, à titre de pièce, une copie du contrat n'a rien de trompeur étant donné les éléments figurant dans l'affidavit portant demande de mandat-Faisant état sans nécessité de certains versements à effectuer au titre du fret, des frais de pilotage et des redevances portuaires, l'affidavit portant demande de mandat contient justement trop d'éléments-L'affidavit portant demande de mandat n'est pas un affidavit portant énumération de documents: en exigeant cela d'un affidavit portant demande de mandat, on irait à l'encontre de l'objet même de ce type de procédure de saisie qui est, lorsque le cas s'y prête, d'obtenir rapidement une garantie en attendant le règlement de l'affaire-Les lacunes de l'affidavit portant demande de mandat ne sont pas, même en les additionnant, de nature à entraîner sa radiation-Il n'y a pas lieu d'infirmer le mandat-Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 1003(2)-Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 22(1).