Nugas Ltd. c. Canada
T-1692-90
juge Strayer
9-11-92
20 p.
Action en vue de l'obtention d'un jugement déclaratoire portant que la demanderesse a engagé des «frais admissibles» au sens de la Loi sur le programme canadien d'encouragement à l'exploration et à la mise en valeur (PCEEMV) à l'égard des phases trois et quatre du programme de forage de puits de gaz mis en [cad242]uvre à Brooks (Alberta) en 1989 -- La demanderesse cherche également à obtenir un bref de mandamus obligeant le ministre défendeur à ordonner le paiement sur le Trésor de certaines subventions -- La Loi prévoit l'octroi de subventions destinées à encourager l'exploration et l'aménagement du territoire en vue de la production d'hydrocarbures autres que le charbon -- Le ministre des Finances a soudainement annulé le programme, les frais engagés pour les puits «amorcés» avant le 27 avril 1989 ou conformément aux «engagements exécutoires» conclus avant cette date étant quand même subventionnés -- En mai 1988, la demanderesse a entrepris le forage, en quatre phases, de 97 puits de gaz dans la région de Brooks, sur des terres oú PanCanadian Petroleum Limited possédait des droits miniers -- Les associées Chevron détenaient conjointement les droits miniers de PanCanadian sur les terres de la phase quatre -- Le 30 septembre 1988, le ministre a annoncé qu'au lieu de réduire, comme prévu, les subventions, certaines sommes continueraient à être versées au taux de 25 p. 100 pour les frais engagés jusqu'au 30 juin 1989, puis seraient réduites jusqu'à la fin de 1989, le programme devant alors prendre fin -- En janvier 1989, la demanderesse a conclu un accord avec PanCanadian, comme en témoignent les lettres échangées, cet accord ayant été consigné dans des documents intitulés [traduction] «concession de gaz naturel», à l'égard des terres de la phase trois -- Le modèle de document ne correspond pas à la [traduction] «concession de gaz naturel» habituellement utilisée dans le secteur, c'est-à-dire une entente par laquelle le titulaire de droits miniers accorde à une compagnie pétrolière le droit de se livrer à des travaux d'exploration et d'extraction de gaz naturel sans se garder de rôle dans ce processus -- Quand à la phase quatre, la correspondance indique que la demanderesse et les associées Chevron avaient l'intention de conclure un accord «d'amodiation», mais la proposition de la demanderesse n'a jamais été acceptée -- Au moment oú l'annulation du PCEEMV a été annoncée, la demanderesse et les associées Chevron avaient conclu un accord exécutoire prévoyant que la demanderesse pouvait entreprendre le forage aux conditions énoncées dans sa proposition du 6 février 1989 -- L'accord lui-même a finalement été consigné par écrit par la suite seulement (il a été signé en février 1990) -- À la date de l'annulation, la demanderesse avait contracté avec des tiers des obligations pour procéder au forage des puits pour les phases trois et quatre -- Si elle n'était pas allée de l'avant, elle aurait engagé sa responsabilité à divers degrés envers ces tiers ainsi qu'envers PanCanadian et les associées Chevron -- En mai 1989, la demanderesse a reçu les lignes directrices proposées en vue de la suppression graduelle du PCEEMV -- Il était mentionné que les frais seraient admissibles à condition d'avoir été engagés en vertu d'obligations contractuelles conclues «par écrit» avant le 26 avril 1989 -- Compte tenu de l'annonce faite par le ministre, les demandes de subventions dans le cadre du PCEEMV jusqu'au 30 juin 1989 que la demanderesse avait présentées ont été refusées parce que les frais n'avaient pas été engagés en vertu d'une convention écrite -- Ce n'est que le 25 janvier 1990 qu'un règlement a été adopté pour modifier rétroactivement la définition de «frais admissibles» -- Selon la définition, les frais admissibles doivent avoir été engagés aux termes d'une convention écrite prévoyant une obligation inconditionnelle d'engager ces frais -- Voici les questions en litige: (1) En ce qui a trait à la phase trois, la «concession» conclue par la demanderesse et PanCanadian est-elle exclue de la définition d'une «convention écrite» parce qu'il s'agit d'un «bail franc»? (2) En ce qui a trait à la phase quatre, y a-t-il eu une convention écrite? (3) Le ministre était-il contraint, à cause d'une fin de non-recevoir, à subventionner les frais engagés après qu'il eut fait l'annonce, compte tenu des renseignements donnés à la demanderesse quant à l'admissibilité de frais engagés depuis mai 1989? -- Les lois qui portent atteinte aux droits d'un citoyen doivent être interprétées strictement: Morguard Properties Ltd. c. Ville de Winnipeg, [1983] 2 R.C.S. 493 -- (1) Il est bien établi dans la jurisprudence qu'une concession de pétrole et de gaz naturel n'est pas un «bail», mais un «profit à prendre» ou un permis qui autorise le détenteur de la concession à effectuer des travaux d'exploration et d'extraction du pétrole et du gaz naturel sur les terres oú le bailleur possède des droits miniers -- Le rédacteur du règlement connaissait probablement la jurisprudence et, s'il avait voulu exclure les conventions portant sur un profit à prendre, il l'aurait précisé-Le formulaire de «concession de gaz naturel» employé par PanCanadian à l'égard des terres de la phase trois comprend de nombreuses stipulations figurant habituellement dans les accords d'amodiation -- Même si les stipulations normalement contenues dans les concessions de pétrole et de gaz étaient visées par la définition du «bail franc», dans le règlement, les conventions comprennent d'autres stipulations qui ne pourraient pas l'être-Les frais engagés à l'égard de la phase trois, du 27 janvier au 31 décembre 1989, constituaient des frais admissibles aux fins du PCEEMV -- (2) Les frais engagés au cours de la même période à l'égard de la phase quatre ne sont pas admissibles à moins que la demanderesse n'ait eu l'obligation inconditionnelle de les engager à l'égard de travaux sismiques sur le terrain en vertu d'une convention écrite conclue avec les associées Chevron -- Le 26 avril 1989, les lettres échangées entre les quatre parties n'équivalaient pas à une «convention écrite», même s'il existait un consensus et une entente quant aux rôles respectifs des parties -- La Cour est prête à accepter qu'une convention écrite puisse être constituée de plusieurs documents échangés entre les parties si ces documents tendaient ensemble à établir une volonté commune, mais il n'existe aucun tel ensemble de documents en l'espèce -- (3) Étant donné que la demanderesse aurait entrepris le forage même s'il était clair qu'aucune subvention ne serait versée dans le cadre du PCEEMV, le plaidoyer de fin de non-recevoir ne peut pas être retenu car il ne peut pas être démontré qu'elle a agi à son détriment compte tenu de la conduite ou des déclarations de la défenderesse -- Loi sur le programme canadien d'encouragement à l'exploration et à la mise en valeur, L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 15 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 27) -- Règlement sur le programme canadien d'encouragement à l'exploration et à la mise en valeur, DORS/87-514, art. 2 (mod. par DORS/90-96, art. 1), 4 (mod., idem, art. 2).