Adaros-Serrano c. Canada ( Ministre de l'Emploi et de l'Immigration )
93-A-124
juge McKeown
3-9-93
9 p.
Demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut a conclu que la requérante n'était pas une réfugiée au sens de la Convention -- En 1987, pendant qu'elle peignait des messages politiques sur des murs et qu'elle affichait des pamphlets, la requérante a été enlevée, violée et torturée pendant deux jours par des militaires -- Après avoir été libérée, la requérante a repris ses activités politiques, tout en essayant de ne pas se faire remarquer et en demeurant chez elle le soir -- Elle a reçu des appels téléphoniques de menaces jusqu'en 1988 -- En 1990, un nouveau gouvernement démocratique a accédé au pouvoir au Chili -- En 1990, la requérante a rencontré par hasard un de ses bourreaux, qui l'a menacée, ce qui lui a occasionné un stress post-traumatique -- La requérante a quitté le Chili -- Le tribunal a reconnu que la mise en place d'un régime démocratique au Chili n'est pas terminée, que le gouvernement chilien ne peut accomplir librement certaines de ses fonctions, que les allégations de torture continuent, que l'efficacité du gouvernement, lorsqu'il s'agit d'engager des poursuites à l'égard des violations commises par les forces de l'ordre, laisse à désirer -- Demande accueillie -- La preuve étaye la conclusion du tribunal selon laquelle il n'y a pas de possibilité sérieuse que la requérante soit persécutée au Chili du fait de ses opinions politiques -- La requérante ne serait en danger que si elle protestait contre la persécution dont elle a par le passé été victime de la part des représentants du gouvernement -- La requérante n'a pas l'intention de rendre son histoire publique -- Le tribunal a conclu que les raisons pour lesquelles la requérante craint d'être persécutée ont cessé d'exister -- Le tribunal a commis une erreur en concluant que la persécution avait pris fin en 1987 -- La persécution s'est poursuivie jusqu'en 1990, au moyen d'appels téléphoniques et de menaces proférées par l'un de ses bourreaux -- Si elle était renvoyée au Chili, la requérante, qui souffre de stress post-traumatique, aurait besoin de l'aide de ses parents, qui demeurent dans la région oú habitent ses bourreaux, de sorte qu'elle risquerait de subir d'autres actes de persécution -- Le tribunal n'a pas tenu compte de la preuve selon laquelle le gouvernement chilien n'est pas en mesure de contenir les forces armées ou d'empêcher la suppression des éléments de preuve concernant les cas de violation antérieure des droits de la personne -- Il n'est pas établi que le gouvernement chilien est capable de prendre des mesures quelconques pour mettre fin à la persécution -- Les forces armées ont intérêt à s'assurer que la preuve des atrocités commises par le passé ne soit pas divulguée au public -- Bien qu'à l'heure actuelle, il soit moins dangereux d'exprimer son opinion politique au Chili, la requérante risque d'être persécutée du fait qu'elle connaît ses bourreaux, et non à cause de ses opinions politiques -- Le tribunal n'a pas tenu compte de l'effet que les changements qui se sont produits au Chili auraient sur la requérante en particulier -- Le tribunal a également commis une erreur en concluant que la requérante n'avait pas de raisons impérieuses de refuser de se réclamer de la protection du Chili, malgré la violation très grave des droits de la personne -- Le tribunal a tenu compte du fait que la requérante était retournée chez elle et qu'elle avait adopté un autre mode de vie après son enlèvement, ce qui montrait qu'elle ne considérait pas sa persécution comme épouvantable et atroce au point qu'elle ne pouvait pas concevoir de vivre à l'endroit oú elle avait été persécutée -- La décision était fondée sur la conclusion selon laquelle l'enlèvement et la torture de la requérante constituaient la persécution reprochée -- Le tribunal est tenu de réévaluer cette conclusion, étant donné que la persécution a continué, ce qui a occasionné à la requérante un stress post-traumatique -- Il doit également tenir compte du fait que les autres actes de persécution n'étaient pas imputables aux opinions politiques de la requérante, mais au fait qu'elle connaissait l'identité de ses bourreaux -- Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(3).