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Schreiber c. Canada

T-1770-94

juge McGillis

21-10-99

61 p.

Action visant à obtenir une déclaration portant qu'il a été porté atteinte aux droits du demandeur du fait qu'il n'a pas été autorisé à continuer à exercer les fonctions opérationnelles de son poste de contrôleur de la circulation aérienne après que des services bilingues ont été mis en _uvre à la tour de contrôle d'Ottawa pour satisfaire aux obligations imposées par la Loi sur les langues officielles-Le bilinguisme dans les services de contrôle de la circulation aérienne signifie que c'est au pilote que revient le choix de la langue utilisée dans les communications relatives à la circulation aérienne-En 1986, pour garantir la sécurité, le ministère des Transports a décidé d'exiger le bilinguisme comme condition d'embauche des contrôleurs de la circulation aérienne à la tour de contrôle d'Ottawa et il a modifié le profil linguistique des postes existants en remplaçant la mention «anglais essentiel» par la mention «bilingue»-La Direction générale de la formation linguistique de la Commission de la fonction publique a établi que le demandeur ne possédait pas les aptitudes requises pour satisfaire aux exigences linguistiques de son poste-La demande de mutation du demandeur a été rejetée pour cause de nécessité, afin d'assurer la poursuite des activités normales à la tour de contrôle d'Ottawa-Après avoir suivi des cours de langue privés au Berlitz Language Centre d'Ottawa, payés par le Ministère, et une période de formation linguistique offerte par la Commission de la fonction publique, pendant laquelle le demandeur n'avait pas le statut opérationnel, et après s'être fait accordé un nombre d'heures de formation supérieur à celui autorisé par le Conseil du Trésor pour atteindre le niveau C, le demandeur a finalement satisfait aux exigences linguistiques du poste de contrôleur de la circulation aérienne-A-t-il été porté atteinte aux droits conférés au demandeur par le Décret d'exclusion sur les langues officielles dans la Fonction publique?-Action rejetée-L'art. 20 de la Loi sur l'emploi sur la fonction publique exigeait des fonctionnaires qu'ils possèdent, en ce qui concerne la connaissance et l'usage soit du français, soit de l'anglais, soit des deux langues, les qualifications que la Commission estime nécessaires-Des mesures ont été prises pour aider le titulaire unilingue d'un poste de durée indéterminée dont les exigences linguistiques ont été modifiées pour rendre le bilinguisme obligatoire: le Décret d'exclusion permettait de soustraire certains fonctionnaires aux exigences linguistiques de leur poste-L'arrêt Kelso c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 199 a établi que le Décret d'exclusion conférait à un contrôleur de la circulation aérienne de Montréal le droit de conserver son poste même s'il ne satisfaisait pas à ses exigences linguistiques-Toutefois, compte tenu de la constitutionnalisation des droits linguistiques par les art. 16(1) et 20(1) de la Charte, des modifications apportées à la Loi sur les langues officielles et des indications données récemment par la Cour suprême dans l'arrêt Beaulac c. La Reine, [1999] 1 R.C.S. 768, relativement aux principes applicables à l'interprétation de la portée et de l'application des droits linguistiques, la décision rendue par le juge Dickson dans l'affaire Kelso, n'était pas déterminante quant à la question de savoir si, sous le régime législatif et constitutionnel actuel, le demandeur avait droit à une déclaration portant qu'il a été porté atteinte à ses droits-Les droits linguistiques constitutionnalisés dans les art. 16(1) et 20(1) de la Charte et les art. 21 (le droit de communiquer avec les institutions fédérales et d'en recevoir les services) et 34 (le français et l'anglais sont les langues de travail dans les institutions fédérales et le personnel a le droit d'utiliser l'une ou l'autre) de la Loi sur les langues officielles entraient en jeu en l'espèce-Les obligations correspondantes imposées aux institutions fédérales par les art. 22, 35 et 36 de la Loi sur les langues officielles étaient aussi pertinentes-Selon le raisonnement axé sur l'objet retenu dans l'arrêt Beaulac et compte tenu de l'art. 2 de la Loi sur les langues officielles, le principe de l'égalité réelle a une signification et signifie que les droits linguistiques institutionnels exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en _uvre et créent, en conséquence, des obligations pour l'État-Les art. 22, 35 et 36 de la Loi sur les langues officielles exigent respectivement que les institutions fédérales veillent à ce que le public puisse communiquer avec elles et en recevoir les services dans les deux langues officielles dans la région de la capitale nationale et dans les autres régions désignées, et à ce que leur milieu de travail soit propice à l'usage effectif des deux langues officielles-En l'espèce, étant donné la nature intégrée des opérations de contrôle de la circulation aérienne et l'importance du fait que tous les contrôleurs soient au courant des activités et des événements qui surviennent dans le secteur, le Ministère a décidé de s'acquitter des devoirs et obligations que lui impose la Loi sur les langues officielles de donner effet aux droits linguistiques prévus par les art. 21 et 34 en instaurant un milieu de travail entièrement bilingue pour la prestation sécuritaire et effective des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne-Le Ministère croyait aussi qu'un milieu de travail entièrement bilingue était nécessaire pour promouvoir la cohésion dans l'effort de groupe requis dans le milieu complexe du contrôle de la circulation aérienne, et que la présence d'un contrôleur unilingue de la circulation aérienne obligerait chacun à travailler dans sa langue, ce qui l'empêcherait d'atteindre son but-Un milieu de travail entièrement bilingue était aussi conforme, à long terme, avec les exigences très élevées en matière de sécurité que le Ministère applique à la prestation des services de contrôle de la circulation aérienne-Les faits en cause établissaient l'existence d'une incompatibilité entre, d'une part, les droits linguistiques constitutionnels et les obligations correspondantes imposées au Ministère par la Loi sur les langues officielles et, d'autre part, le Décret d'exclusion qui soustrayait le demandeur à l'obligation d'être bilingue-En vertu de l'art. 82 de la Loi sur les langues officielles, les dispositions des parties IV et V, concernant respectivement les communications avec le public et la prestation des services et la langue de travail, l'emportent sur les dispositions incompatibles-Le demandeur ne pouvait donc pas se prévaloir du Décret d'exclusion pour se soustraire au bilinguisme obligatoire prévu par l'art. 20 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique-En conséquence, il n'avait pas le droit d'exercer des fonctions opérationnelles en occupant son poste de contrôleur de la circulation aérienne à la tour de contrôle d'Ottawa après la mise en _uvre de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne, tant qu'il ne répondait pas aux exigences linguistiques de son poste-Cependant, le Ministère aurait dû l'autoriser à être muté ou à exercer d'autres fonctions significatives correspondant à sa formation et à son expertise-Loi sur les langues officielles, S.R.C. 1970, ch. O-2-Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), ch. O-3-Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 2, 21, 22, 31, 34, 35, 36, 82, Parties IV, V-Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, art. 20-Décret d'exclusion sur les langues officielles dans la Fonction publique, DORS/81-787-Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 16(1), 20(1).

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