PRATIQUE |
Outrage au tribunal |
Coca-Cola Ltée c. Pardhan
T-2685-95
juge Lutfy
19-1-00
14 p.
Pénalité et dépens--Défendeur jugé coupable d'outrage au tribunal pour avoir violé une injonction interlocutoire lui interdisant d'exporter des produits Coca-Cola du Canada--Comme les actes de désobéissance ont été commis avant l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998), la peine applicable est celle qui est prévue à la Règle 355 des anciennes Règles de la Cour fédérale--La Règle 355 prévoyait que quiconque était coupable d'outrage au tribunal était passible d'une amende qui, dans le cas d'un particulier ne devait pas dépasser 5 000 $ ou d'un emprisonnement d'un an au plus--Le rejet de l'action et la dissolution de l'injonction avant la tenue de l'audience relative à l'ordonnance de justification ne constituent un moyen de défense aux accusations d'outrage au tribunal, mais une circonstance atténuante--La violation d'une ordonnance jugée non valide ne devrait pas entraîner des suites désastreuses: Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1996] 1 C.F. 787 (C.A.)--Le défendeur ne devrait pas être condamné à une peine d'emprisonnement pour une conduite qui aurait été légale si elle n'avait pas constitué un manquement à l'injonction de la Cour--L'argument des demanderesses suivant lequel l'amende totale devrait correspondre à un multiple du nombre de cargaisons de produits Coca-Cola qui ont été exportés du Canada est rejeté pour quatre motifs--1) L'ordonnance de justification était libellée en des termes généraux--2) L'imposition d'une peine aussi sévère que celle que proposent les demanderesses (105 300 $) va à l'encontre du sens non ambigu de la Règle 355(2), qui prévoit que, dans le cas d'un particulier, l'amende ne doit pas dépasser 5 000 $--3) Aucune jurisprudence n'a été citée pour appuyer la thèse des demanderesses suivant laquelle des amendes multiples peuvent être infligées lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, la seule ordonnance de justification qui se rapporte directement à l'unique injonction prononcée est libellée en des termes généraux--Distinction faite avec les décisions Louis Vuitton S.A. c. Tokyo Do Enterprises Inc., (1990), 37 C.P.R. (3d) 8 (C.F. 1re inst.); et Polo Ralph Lauren Corp. c. Cato, [1990] 3 C.F. 541 (1re inst.)--4) Les demanderesses affirment qu'il est illogique de considérer une série d'incidents distincts de violation d'une injonction comme un seul outrage et que si la violation répétée d'une ordonnance judiciaire ne peut donner lieu qu'à une seule conclusion d'outrage au tribunal et à une seule pénalité, les personnes responsables d'outrage au tribunal seraient alors encouragées à faire fi à plusieurs reprises de la procédure de la Cour--La règle 472c) des Règles de la Cour fédérale (1998) ne fixe aucune limite au montant de l'amende qui peut être imposée--La force de cet argument de principe ne peut être utilisée au détriment des défendeurs, compte tenu du fait que les anciennes Règles prévoyaient expressément une amende maximale de 5 000 $ et que l'ordonnance de justification est libellée en des termes aussi généraux--La principale circonstance atténuante est le rejet de l'action des demanderesses et la dissolution de l'injonction--Ce facteur, ajouté à l'objet du litige, commande de limiter la peine à une amende--À la fin de l'audience sur la pénalité et les dépens, le défendeur a offert une sorte d'excuse au tribunal--La pénalité qu'il convient d'imposer en l'espèce est une amende de 4 000 $--Le principe sous-jacent à la coutume consistant à adjuger les dépens au tarif des dépens extrajudiciaires dans les cas d'outrage au tribunal est le suivant: une partie qui aide la Cour à appliquer les ordonnances qu'elle rend et à en assurer le respect ne devrait pas être tenue de payer de sa poche les frais qu'elle engage à cette fin (Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc. (1998), 86 C.P.R. (3d) 33 (C.F. 1re inst.))--Les demanderesses ont suggéré que leurs dépens extrajudiciaires s'élèveraient à environ 125 000 $, sans compter les frais d'environ 100 000 $ qu'elles ont payés à leurs enquêteurs et les honoraires de 33 000 $ qu'elles ont versés à un avocat pour le temps qu'il a consacré pour préparer le procès et pour y assister afin de témoigner au sujet de certaines questions de fait--La Cour a été informée, après avoir condamné le défendeur à une amende, que des offres de règlement avaient été faites au cours de l'audience sur l'outrage au tribunal, sous réserve de l'approbation de la Cour--Bien que le rôle joué par les demanderesses dans la poursuite de la présente instance pour outrage au tribunal sert à protéger l'intégrité de l'ordonnance rendue par la Cour, il faut trouver le juste milieu, lorsqu'il s'agit d'adjuger les dépens, entre l'intérêt du public et l'intérêt privé des demanderesses à l'égard du procès, c.-à-d. la protection de la réputation de leurs marques de commerce--La Cour se guide sur deux principes pour condamner le défendeur aux dépens: 1) en matière d'outrage au tribunal, il est possible d'adjuger au demandeur des dépens raisonnables au tarif des dépens extrajudiciaires; 2) la condamnation aux dépens ne doit pas donner lieu à l'imposition d'une peine indue particulièrement lorsque l'ordonnance qui a été violée a été jugée invalide--La Cour a également tenu compte de l'offre de règlement, conformément à la règle 400(3)e), en tenant compte du fait qu'elle n'a pas été acceptée au cours de la courte période où elle pouvait l'être--Les dépens entre parties représentent environ le tiers des dépens extrajudiciaires réclamés par les demanderesses, à l'exclusion des débours--Même en tenant compte de la dissolution de l'injonction, il n'y a aucune raison de n'accorder aux demanderesses que les dépens entre parties--En juin et juillet 1998, le défendeur a, alors qu'il était au courant de la presque totalité des éléments de preuve présentés par les demanderesses au tribunal, refusé l'offre l'invitant à se reconnaître coupable d'outrage au tribunal et à payer une amende de 4 000 $ et les dépens au tarif des dépens entre parties--Ce refus a indûment prolongé le procès, un facteur dont la Cour a tenu compte pour calculer les dépens raisonnables à payer--Dépens fixés à 80 000 $, ce qui inclut tous les débours, sauf pour une somme supplémentaire de 15 000 $ en ce qui concerne les enquêteurs--Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 355--Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 400, 472.