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CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Statut au Canada

Réfugiés au sens de la Convention

Goodman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)

IMM-1977-98

juge Lemieux

29-2-00

43 p.

Contrôle judiciaire du rejet, par la SSR, d'une revendication du statut de réfugié--Le demandeur, un catholique né en Irlande du Nord, était citoyen du R.-U.--Il a été membre de l'Armée républicaine irlandaise de 1969 à 1974 et de l'Irish National Liberation Army (INLA) de 1975 à 1982--En 1982, il a été arrêté, est devenu délateur, a déménagé en Angleterre, s'est préparé à témoigner contre les personnes arrêtées grâce à lui--En septembre, il a décidé de se rétracter, est retourné en Irlande du Nord de son propre gré, où il a vécu sans incident--Il a appris que l'ordre de le tuer avait été donné, probablement par une faction de l'INLA--Il est arrivé au Canada en 1986--Le demandeur craignait d'être persécuté s'il était renvoyé en Irlande du Nord, au R.-U. ou ailleurs en Europe--La SSR a statué qu'elle n'était pas convaincue que le demandeur avait fourni une confirmation claire et convaincante que le R.-U. était incapable de le protéger et qu'il était objectivement déraisonnable de sa part de ne pas avoir demandé sa protection--La SSR s'est appuyée sur Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, pour effectuer une analyse séparée de la capacité du R.-U. de protéger le demandeur et du refus du demandeur de se réclamer de la protection du R.-U.--Elle a conclu que le fait de ne pouvoir se prévaloir de la protection de l'État tient à des circonstances indépendantes de la volonté de la personne en cause, comme un état de guerre, une guerre civile ou d'autres troubles graves qui empêchent le pays dont l'intéressé a la nationalité de lui accorder sa protection; le fait de se voir refuser l'entrée au R.-U. pourrait aussi constituer un aspect du critère de l'incapacité de se réclamer de la protection de l'État--Elle a examiné les arguments invoqués quant aux raisons pour lesquelles le demandeur, compte tenu de la Prevention of Terrorism Act (PTA, qui permet aux autorités britanniques d'expulser une personne d'Angleterre pour l'envoyer en Irlande du Nord) ne serait pas autorisé à entrer ou à demeurer au R.-U., c'est-à-dire le fait qu'il a occupé des postes de responsabilité au sein de l'IRA et de l'INLA, qu'il a mis fin à sa collaboration, qu'il a été déclaré coupable d'infractions reliées à la cause nationaliste--La SSR a statué qu'aucune preuve convaincante n'étayait la prétention qu'il ne serait pas autorisé à entrer au R.-U. ni ne révélait que les autorités britanniques s'intéressaient à lui--Elle a évalué l'efficacité de la protection du demandeur s'il retournait au R.-U., en tenant compte de la preuve concernant Patrick Ward, visé par l'arrêt Ward précité, qui a été renvoyé au R.-U. sans subir de représailles immédiates--La SSR a conclu que le demandeur ne veut pas se réclamer de la protection du gouvernement britannique parce qu'il le croit incapable de lui assurer une protection suffisante--Le statut de réfugié ne sera pas reconnu au revendicateur s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il a commis un crime contre l'humanité (art. 1Fa))--La SSR a déduit des postes occupés par le demandeur et de sa participation passée dans les deux organisations qu'il était au courant des activités entreprises par les personnes se trouvant sous ses ordres et par l'INLA en général et qu'il a donc été complice des crimes contre l'humanité commis par l'INLA pendant qu'il était membre de cette organisation--La SSR a conclu que le demandeur a participé à la perpétration de crimes graves de droit commun (art. 1Fb)), car la preuve n'établissait pas de lien entre les crimes commis par l'INLA et la réalisation éventuelle de l'objectif politique du groupe qui consistait à renverser le gouvernement local--La SSR a statué que l'art. 1Fc) s'appliquait au demandeur parce qu'il a été complice de crimes commis par l'INLA, qualifiés de contraires aux buts des Nations Unies--L'enregistrement sur bande magnétique du contre-interrogatoire du demandeur par la représentante du ministre n'a pas fonctionné--L'audition s'est déroulée à l'aide d'un exposé conjoint des faits--Demande accueillie en partie: les conclusions tirées par la SSR relativement à toutes les exclusions ont été annulées; la conclusion portant que le demandeur ne craint pas avec raison d'être persécuté en raison de la capacité du R.-U. de le protéger a été confirmée--La SSR a bien interprété les principes juridiques liés au concept de la protection de l'État établis dans Ward--Ce concept fait partie intégrante de la démonstration que le revendicateur craint avec raison d'être persécuté, car si un État est capable de le protéger, alors, objectivement, il ne craint pas avec raison d'être persécuté--L'analyse distincte effectuée par la SSR de la question de savoir si le demandeur ne peut se réclamer de la protection de l'État, qui englobe en l'espèce son droit d'entrer et de demeurer en Angleterre et la capacité du R.-U. de lui assurer une protection efficace contre l'INLA, et s'il ne veut pas s'en réclamer est conforme à l'arrêt Ward--La SSR a correctement évalué la question de savoir si le demandeur devait, en premier lieu, demander la protection du R.-U. pour invoquer le fait qu'il ne veut pas se réclamer de la protection de l'État: le demandeur ne sera pas visé par la définition de l'expression «réfugié au sens de la Convention» s'il est objectivement déraisonnable qu'il n'ait pas sollicité la protection de son pays d'origine --L'arrêt Ward s'avère utile à d'autres égards: la question n'est pas de savoir si la vie du demandeur serait en danger s'il retournait en Irlande ou en Grande-Bretagne, mais s'il peut être protégé contre ce danger (conclusion de fait); la PTA pourrait servir à réfuter la présomption en démontrant l'absence de protection selon les circonstances particulières de l'espèce, qui doivent être déterminées par la Commission--Il existait à l'égard de chaque conclusion cruciale concernant a) le refus d'autoriser le demandeur à entrer ou à demeurer en Angleterre, b) l'efficacité de la protection et c) le fait que le demandeur ne veut pas demander la protection, une preuve pouvant raisonnablement étayer les conclusions et les inférences de la SSR--La mention par la SSR de ce qu'il est advenu de M. Ward après son expulsion en Angleterre ne peut fonder l'annulation de sa décision parce qu'elle pouvait tenir compte de ce qu'il est advenu de M. Ward après le prononcé de sa décision à son sujet, étant donné qu'il s'agit d'un fait de notoriété publique--L'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793, a établi le critère de common law qu'il convient d'appliquer relativement à la justice naturelle lorsque la transcription d'une procédure devant un tribunal administratif, qui n'est pas expressément tenu par la loi d'enregistrer les témoignages, n'est pas disponible--Il faut se demander si les défauts ou les omissions dans la transcription font surgir une «possibilité sérieuse» de négation d'un moyen d'appel ou de révision pour qu'une nouvelle audition soit ordonnée--Il faut tenir compte des autres moyens disponibles, c'est-à-dire les notes prises pendant la partie de l'audition dont la transcription est manquante; du fait que la décision de la SSR a tranché à la fois la question de savoir si le R.-U. était incapable de protéger le demandeur et celle des motifs d'exclusion prévus par la section 1F de la Convention; de chaque moyen invoqué par le demandeur à l'appui du contrôle judiciaire parce que seul un moyen de contrôle plaidé et rejeté peut entraîner un manquement à la justice naturelle--La partie de l'audience omise dans la transcription portait notamment sur le nombre d'interventions auxquelles le demandeur avait participé, l'auteur des décisions s'y rapportant et la question de savoir si le demandeur en connaissait les cibles; la connaissance détaillée que le demandeur avait de certaines interventions données; sa connaissance de la façon dont l'INLA finançait ses activités et des vols qualifiés précis commis à cette fin; ses détentions et la façon dont il avait été traité pendant qu'il était incarcéré; la portée de son marché avec les autorités; la menace de mort qu'il avait reçue et la question de savoir s'il avait demandé la protection des autorités du R.-U; son arrivée au Canada--Les omissions dans la transcription ne privent le demandeur d'aucun moyen de contrôle concernant la capacité du R.-U. de le protéger--Toutefois, les conclusions de la SSR concernant les exclusions doivent être modifiées en raison des omissions dans la transcription--En ce qui concerne les exclusions, la Cour n'était pas convaincue que l'état du dossier lui permettait d'affirmer avec quelque assurance que le demandeur avait pu faire valoir réellement son moyen de contrôle devant elle--Le fondement factuel de la conclusion tirée par la SSR relativement aux exclusions reposait sur les crimes commis par l'INLA et sur la connaissance que le demandeur en avait, sa participation à ces crimes ou l'intention commune qu'il partageait avec l'organisation qui les a perpétrés--La preuve sur laquelle s'est appuyée la SSR découlait, dans une large mesure, du contre-interrogatoire du demandeur, dont la transcription n'est pas disponible--Les renseignements manquants étaient déterminants quant aux conclusions de la SSR sur les exclusions et la SSR s'est appuyée sur eux de façon significative--Les notes des avocates ne constituaient pas un moyen adéquat de remédier aux omissions dans la transcription.

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