CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION |
Exclusion et renvoi |
Renvoi de résident permanent |
Ip c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)
IMM-787-98
juge Dubé
3-2-00
14 p.
Contrôle judiciaire de l'avis du ministre portant que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada en vertu de l'art. 70(5) de la Loi sur l'immigration--Le demandeur a été admis comme résident permanent en 1991, à titre de «réfugié faisant partie de l'arriéré»--En 1993, il a été déclaré coupable d'enlèvement d'une personne dans l'intention de la détenir en vue de rançon et condamné à 14 ans d'emprisonnement--La Cour a infirmé le premier avis de danger au motif que le défaut de répondre à une demande de prorogation de délai pour répondre à l'avis d'intention de solliciter un avis constitue une infraction à la justice naturelle--Après un deuxième avis d'intention, le demandeur a présenté son point de vue et le délégué du ministre a délivré un avis portant que le demandeur était un danger pour le public--1) La Cour n'a pas renvoyé le premier avis pour jugement conformément aux instructions qu'elle estimait appropriées, mais elle a tout simplement infirmé la décision--Le ministre et son délégué étaient functus officio par rapport au premier avis, mais rien dans l'ordonnance de la Cour ni dans la législation n'empêche le ministre ou son délégué d'exercer par la suite le pouvoir discrétionnaire du ministre au sujet du demandeur--2) Le fait que la même personne a reçu la délégation pour les deux avis ne suscite pas ipso facto une crainte raisonnable de partialité--Si ce n'était pas le délégué qui prenait la décision, ce serait le ministre lui-même--Règle générale, le seul fait que le même membre d'un tribunal siège à la nouvelle audition d'une affaire qu'il a déjà entendue ne suscite pas à lui seul de crainte raisonnable de partialité--Il faut d'autres motifs pour invoquer la crainte raisonnable de partialité--Le membre n'est pas plus partial la deuxième fois qu'il l'était la première fois--La délivrance d'un avis de danger est une décision administrative discrétionnaire--Elle doit être faite de bonne foi au vu des perceptions quant à la probabilité du risque et à son acceptabilité--Suite à l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, les exigences en matière d'équité ne sont plus minimales, mais il n'y a pas d'entorse à l'équité du fait que le ministre délègue ses pouvoirs à la même personne pour le deuxième avis--3) Le demandeur soutient que comme son dossier criminel ne porte que sur un seul événement qui s'est produit en 1992, la question est celle de savoir s'il pose un danger pour le public au Canada au moment du deuxième avis et pour l'avenir--Le simple fait qu'une cour évalue certains facteurs de façon différente et arrive à une conclusion différente ne rend pas l'avis du ministre abusif ou arbitraire--En l'absence de motifs écrits, on ne peut déterminer si le délégué du ministre a agi de mauvaise foi ou a fondé sa décision sur des critères ou sur une preuve non pertinente, ou sans tenir compte des éléments dont il disposait--La norme de contrôle est celle énoncée par le juge l'Heureux-Dubé dans l'arrêt Baker, la décision raisonnable simpliciter--4) L'avis au demandeur fait état des renseignements à jour les plus récents concernant les pays, disponibles dans les centres de documentation de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié--L'obligation d'équité n'exige rien d'autre qu'un avis au demandeur qu'on s'appuiera sur ces renseignements: Chu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 161 D.L.R. (4th) 499 (C.A.F.), et donc pas une preuve précise--5) Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.) conclut que l'avis du ministre n'avait pas à être motivé par écrit en vertu de la Charte ou du principe d'équité--Toutefois, la C.S.C. dans l'arrêt Baker a conclu que, lorsqu'il s'agit d'une procédure administrative impliquant une décision discrétionnaire par un agent d'immigration qui traite de demandes présentées en vertu de l'art. 114(2) (motifs humanitaires), des motifs écrits sont nécessaires «dans certaines circonstances», savoir dans les cas où la décision revêt une grande importance pour l'individu ou lorsqu'il existe un droit d'appel prévu par la loi--La décision en l'instance a une signification extraordinairement importante pour la personne en cause et elle aura un impact fondamental sur son avenir--Le demandeur laissera sa femme et son enfant au Canada et il recevra vraisemblablement une réception hostile des autorités chinoises auxquelles il a échappé en se réfugiant ici--Dans ces circonstances particulières, le délégué du ministre avait l'obligation d'expliquer pourquoi sa décision, fondée sur un seul crime, ne tient pas du tout compte de la preuve qui donne à penser que le demandeur n'est plus un danger pour le public--Un rapport d'une page qui traite brièvement de la condamnation pour enlèvement ne constitue pas des motifs suffisants faisant ressortir les facteurs pertinents en l'instance--L'avis du ministre est annulé pour défaut d'avoir donné des motifs suffisants et la question est renvoyée au défendeur pour nouvel examen en conformité des motifs--Questions certifiées: 1) Y a-t-il violation de l'obligation d'équité lorsque le rapport sommaire et le rapport d'avis ministériel sur le danger pour le public font partie des documents présentés au délégué du ministre alors qu'ils n'ont pas été communiqués à la personne en cause; 2) au vu de l'arrêt Baker, la norme de contrôle de la décision du délégué du ministre en vertu de l'art. 70(5) est-elle celle de la «décision raisonnable simpliciter»; 3) au vu de l'arrêt Baker, l'obligation d'équité dans le cadre d'un avis délivré en vertu du par. 70(5) est elle «minimale»; 4) au vu de l'arrêt Baker, l'avis délivré en vertu de l'art. 70(5) doit-il être motivé par écrit; 5) l'obligation d'équité procédurale exige-t-elle que l'on fournisse des motifs écrits de l'avis du ministre délivré en vertu de l'art. 70(5)?--Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 70(5) (mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 13).