Fiches analytiques

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PEUPLES AUTOCHTONES

Terres

Première nation de Liidlii Kue c. Canada (Procureur général)

T-22-00

juge Reed

21-7-00

30 p.

Contrôle judiciaire de la décision par laquelle un gestionnaire d'utilisation des terres a délivré à la défenderesse Maureen Bernier, en vertu du Règlement sur l'utilisation des terres territoriales, un permis d'utilisation des terres pour le forage de 12 trous de sonde au moyen d'une foreuse au diamant assistée par un hélicoptère--La demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision, un jugement déclarant qu'il existe une obligation constitutionnelle et fiduciaire de la consulter adéquatement avant de délivrer un permis, un bref de mandamus contraignant les défendeurs à la consulter au sujet de la portée, de la nature et de l'ampleur des répercussions que la délivrance du permis est susceptible d'avoir sur les droits issus de traités de la demanderesse, une ordonnance interdisant aux défendeurs de délivrer un tel permis tant que les consultations ne seront pas terminées et une ordonnance par laquelle la Cour réserve sa compétence sur la demande de permis d'utilisation des terres afin de permettre à toute partie de se présenter à nouveau devant elle pour faire trancher toute question que l'exécution des ordonnances de la Cour pourrait soulever--Une copie de la demande d'utilisation des terres a été envoyée notamment à la demanderesse pour qu'elle formule des observations--L'examen de la demande de permis a été reporté pour permettre la tenue d'autres consultations avec la demanderesse--L'auteur de la décision a demandé des éclaircissements de la part des chasseurs et des trappeurs eux-mêmes sur les incidences que les activités projetées étaient susceptibles d'avoir sur eux--Le procureur général a reconnu que le permis devait être annulé--Il avait été convenu que la demanderesse recevrait une somme de 5 000 $ pour lui permettre de consulter ceux de ses membres qui étaient susceptibles d'être directement touchés par la délivrance du permis--Le principe des attentes raisonnables exige que l'engagement pris soit respecté et que la décision soit annulée--1) Le procureur général soutient que le reste de la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est sans objet--La demanderesse soutient que le règlement des questions en litige n'est pas sans objet et il n'est pas d'accord pour que les aspects non résolus de la demande de contrôle judiciaire soient convertis en une action--Compte tenu du fait que c'est la demanderesse qui a introduit la présente instance, il y a lieu de faire preuve d'une certaine retenue à l'égard de sa position en ce qui a trait à la procédure à suivre--La façon la plus économique pour tous de trancher les questions non encore résolues consiste à le faire dans le cadre de la présente instance--2) Il n'est pas loisible à la demanderesse de contester le Règlement sur l'exploitation minière au Canada en l'espèce--La décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire a été prise en vertu du Règlement sur l'utilisation des terres territoriales--Cette décision ne met pas en jeu le Règlement sur l'exploitation minière au Canada--Qui plus est, la règle 302 des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoit qu'une demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule décision--Le fait d'intégrer ces décisions dans la présente instance irait à l'encontre de la règle 302 --3) La demanderesse invoque l'arrêt R. c. Adams, [1996] 3 R.C.S. 101 au soutien de son affirmation que le Règlement sur l'utilisation des terres territoriales est inconstitutionnel parce qu'il ne renferme aucune indication explicite sur la façon dont on doit tenir compte des droits issus de traités en question--L'arrêt Adams n'est pas utile pour se prononcer sur les dispositions législatives en cause en l'espèce--(4) Une grande partie des renseignements contenus dans les affidavits déposés à l'appui de la demande de contrôle judiciaire n'avaient pas été portés à la connaissance de l'auteur de la décision--Le principe suivant lequel le contrôle judiciaire d'une décision ne peut avoir lieu qu'en fonction des éléments dont disposait son auteur s'applique lorsqu'une décision est contestée au motif qu'elle est fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont l'auteur de la décision disposait--La contestation de la décision en cause en l'espèce ne repose pas sur ces motifs, mais sur l'argument qu'on n'a pas respecté en l'espèce l'obligation de consulter suffisamment la demanderesse--Lorsqu'une décision est contestée au motif que l'équité procédurale n'a pas été respectée étant donné qu'on n'a pas accordé à la personne qui s'estime lésée une possibilité suffisante de faire valoir son point de vue, il arrive le plus souvent qu'on produise des éléments d'information dont ne disposait pas l'auteur de la décision--En l'espèce, les éléments de preuve se rapportant au statut de la demanderesse et à la question de savoir s'il existe une obligation de la consulter, de même que la portée de cette obligation, constituent des éléments de preuve pertinents--Dans la mesure où les nouveaux éléments de preuve se rapportent à ces questions, c'est à bon droit qu'ils ont été versés aux dossiers de la demande, même s'ils n'avaient pas été portés à la connaissance de l'auteur de la décision--(5) La demanderesse affirme que la Cour devrait enjoindre à Mme Bernier de déposer une nouvelle demande devant l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie--La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, sous le régime de laquelle l'Office a été constitué, précise bien que l'Office a compétence sur les permis d'utilisation des terres déposées après la création de l'Office, le 31 mars 2000--Les demandes déposées avant cette date continuent à être jugées conformément au Règlement sur l'utilisation des terres territoriales--(6) Les terres visées par le permis de forage se trouvent sur un territoire assujetti au traité no 11--La présente affaire porte sur les obligations auxquelles Sa Majesté est assujettie relativement à des terres pour lesquelles un traité abolissant le titre autochtone a été signé, lequel traité accorde par ailleurs aux Indiens le droit de se livrer à leurs occupations ordinaires de chasse au fusil, de piégeage et de pêche, sauf sur les terrains qui «de temps à autre pourront être requis ou pris pour des fins [. . .] de mine» et à l'égard desquels il y a certains éléments de preuve tendant à démontrer que des assurances ont été données aux Indiens pour leur garantir que leur mode de vie ne serait pas touché--Le droit conféré par le Traité est un droit limité ou conditionnel, celui de chasser, de trapper et de pêcher sur des terres domaniales inoccupées tant que Sa Majesté ne les réquisitionnera pas--Il n'est pas nécessaire d'examiner les restrictions à la portée de la «prise» à laquelle Sa Majesté peut procéder, étant donné que l'utilisation visée est extrêmement limitée, parce qu'elle est temporaire et ne vaut que pour un territoire peu étendu--(7) La Cour accepte que Sa Majesté est assujettie à une obligation constitutionnelle de consulter ceux qui exercent en vertu d'un traité le droit de chasser, de trapper et de pêcher sur des terres domaniales inoccupées lorsque Sa Majesté décide d'occuper les terres en question--La reconnaissance et la confirmation des droits issus de traités dont il est question à l'art. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 s'accompagnent de l'obligation constitutionnelle imposée à Sa Majesté de consulter ceux qui possèdent en vertu d'un traité le droit de chasser, de trapper et de pêcher sur des terres domaniales inoccupées dans des circonstances comme celles de l'espèce--L'auteur de la décision a reconnu l'existence d'une obligation de consultation--En pratique, la seule raison pour laquelle il est nécessaire en l'espèce de préciser le fondement juridique de la présumée obligation constitutionnelle de consulter est que la Cour a accepté en l'espèce d'examiner les réparations sollicitées par la demanderesse dans sa demande et que le fondement constitutionnel de cette obligation peut être pertinent lorsqu'il s'agit de préciser l'ampleur de l'obligation de consultation--(8) La portée de l'obligation de consultation varie selon: (i) la nature des droits ancestraux en question, (ii) la portée et la nature des obligations imposées à Sa Majesté en raison de la nature du droit en question, (iii) la nature de l'éventuelle violation--Compte tenu de la nature du droit en cause en l'espèce, il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement des Indiens pour prendre les terres en question pour l'une des fins mentionnées--Au moment où le traité a été conclu, Sa Majesté s'est engagée à ne pas supprimer ou diminuer le droit de chasser, de trapper ou de pêcher--Compte tenu de l'utilisation restreinte prévue au permis à l'examen, ce facteur ne joue pas vraiment en l'espèce--Les obligations imposées à Sa Majesté ont été formulées dans l'arrêt Halfway River First Nation v. British Columbia (Ministry of Forests), [1999] 4 C.N.L.R. 1 (C.A.C.-B.). Les peuples autochtones doivent pouvoir disposer en temps opportun de tous les éléments d'information nécessaires pour pouvoir formuler leurs observations et leurs préoccupations et pour s'assurer que l'on tienne sérieusement compte de leur point de vue--Il n'est pas nécessaire de se livrer à une analyse en fonction des critères posés dans l'arrêt R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, pour justifier l'utilisation des terres envisagée--Même si ces critères s'appliquaient, les assurances données en ce qui concerne la garantie que les forages auraient des répercussions minimales sur les titulaires de droits issus de traités satisfont à ces exigences--L'éventuelle violation est minime et temporaire--Il n'y aura pas de campements--Pas de forages sur des emplacements culturels ou sur des lieux de sépulture--La demanderesse a le droit constitutionnel d'être consultée au sujet de l'utilisation projetée, mais il n'est pas nécessaire d'obtenir son consentement pour procéder à l'utilisation projetée--La nature et la portée de la consultation exigée sont directement fonction de la nature du droit ancestral en question et dépendent aussi de la nature de l'activité qui porterait atteinte au droit ancestral--En cherchant à obtenir des renseignements précis de la part de ceux dont les territoires de piégeage, etc. étaient susceptibles d'être directement touchés, pour en minimiser les incidences néfastes, l'auteur de la décision a bien agi et a rempli ses obligations constitutionnelles--Le type d'étude détaillée des répercussions environnementales que la demanderesse a tenté de demander n'est pas raisonnable--Il n'est pas nécessaire de rendre un jugement déclarant que Sa Majesté est assujettie à une obligation constitutionnelle et fiduciaire de tenir des consultations, l'offre de consultation qui a été faite était suffisante en l'espèce--Il n'est pas nécessaire de délivrer un bref de mandamus pour forcer Sa Majesté à tenir des consultations ou de lui interdire de prendre un décret tant que les consultations ne seront pas terminées--Règlement sur l'utilisation des terres territoriales, C.R.C., ch. 1524--Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, L.C. 1988, ch. 25--Règlement sur l'exploitation minière au Canada, C.R.C., ch. 1516--Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 302--Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35.

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