Groupe Tremca Inc. c. Techno-Bloc Inc.
A-623-98
juge Décary, J.C.A.
10-11-99
8 p.
Conflit d'intérêts-Appel d'une décision de la Section de première instance ((1998), 159 F.T.R. 1) déclarant les procureurs des appelantes inhabiles à représenter celles-ci en raison d'un conflit d'intérêts avec l'intimée-En 1990, les procureurs qui représentent aujourd'hui les appelantes avaient été consultés par l'intimée relativement à la mise en marché d'un produit susceptible de contrefaire un brevet détenu par les appelantes-Forte de l'opinion émise par les procureurs, l'intimée avait mis sur le marché un produit à peine différent de celui à propos duquel elle avait consulté ces procureurs-En 1997, les appelantes, représentées par ces mêmes procureurs qui avaient jadis conseillé l'intimée, instituent contre l'intimée des procédures en contrefaçon de leur brevet relativement à ce nouveau produit-Appel rejeté-Il s'agit là d'un cas de conflit d'intérêts qui tombe, à sa face même, sous le coup de l'interdiction faite à l'avocat qui a agi pour un client d'agir contre ce même client dans la même affaire ou dans une affaire connexe-Examen de l'arrêt Succession MacDonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S. 1235 oú étaient énoncés les principes généraux applicables en matière de conflits d'intérêts-Dès lors qu'un cabinet d'avocats émet une opinion juridique qui amène le client à adopter une ligne de conduite particulière, ce cabinet se place dans une situation de conflit d'intérêts, non plus appréhendée, mais apparente, s'il s'avise par la suite d'agir contre ce client pour des activités reliées à cette ligne de conduite-Le cabinet qui vient, en semblables circonstances, assumer la représentation d'un deuxième client, aura fort à faire pour démontrer à la Cour que le droit du second client de retenir ses services l'emporte sur le droit du premier client de tenir pour acquise la fidélité de son avocat-En l'espèce, il y a connexité entre le mandat donné aux procureurs des appelantes en 1990 et le mandat dont se réclament aujourd'hui les mêmes procureurs à l'encontre de leur ancien client-Il est tout aussi évident que des renseignements confidentiels pertinents ont été confiés par l'intimée aux procureurs des appelantes-Enfin, la Cour suprême est catégorique, l'avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents ne peut agir contre son ancien client: Succession MacDonald-Permettre qu'un avocat puisse conseiller et agir pour des clients ayant des intérêts opposés, même successivement, dans une même affaire sans leur accord, serait miner la confiance que doit avoir le justiciable envers son avocat et serait incompatible avec la loyauté dont ce dernier est redevable envers son client-Une telle pratique serait d'autant plus inadmissible qu'en ce domaine il est nécessaire non seulement d'assurer l'indépendance et le désintéressement de l'avocat mais également de la rendre manifeste-C'est à ce prix que non seulement justice sera faite mais également paraîtra être faite selon la maxime bien connue sur laquelle repose l'intégrité du système judiciaire dont les avocats sont un élément essentiel-Une telle pratique peut également être contraire au droit des parties à la tenue d'une audition en pleine égalité-Ces conclusions rejoignent l'interprétation du conflit d'intérêts dans le Code de déontologie de l'Association du Barreau canadien.