IMPÔT SUR LE REVENU
Pratique
Contrôle judiciaire de la décision du ministre du Revenu national de délivrer un avis d’intention de retirer, à compter du 1er janvier1996, l’agrément du régime de rente de la société Cryptic Web Information Technology Security Inc.— Demande d’ordonnance annulant la décision du ministre ou lui interdisant de retirer rétroactivement l’agrément du régime de pension, à une date antérieure à l’avis d’intention (16 octobre 2003)—Peu après avoir engagé la procédure de contrôle judiciaire, la demanderesse a déposé un avis de requête pour obtenir certaines ordonnances interlocutoires— La défenderesse (la Couronne) a contesté ces requêtes et requis l’annulation de la demande de contrôle judiciaire en soutenant que la Cour n’avait pas compétence pour l’entendre —La demanderesse est une ancienne fonctionnaire fédérale qui cotisait au régime de pension fédérale maintenu pour les employés du gouvernement fédéral—En 1999‑2000, elle est allée travailler chez Cryptic Web et a adhéré au régime de pension de cette entreprise—Ce régime était agréé depuis le 1er janvier 1996—En 1999, il était permis à un fonctionnaire fédéral qui quittait son emploi pour un poste dans le secteur privé de demander que l’argent détenu dans le régime de rente de la fonction publique soit transféré dans un régime de pension agréé maintenu par ou pour le nouvel employeur—La demanderesse a fait transférer son fonds de retraite dans le régime de pension de Cryptic Web—Après 2000, la somme ainsi transférée a été de nouveau transférée dans un autre régime de pension agréé—Le 16 octobre 2003, le ministre a avisé Cryptic Web de son intention de retirer l’agrément de son régime de pension à compter du 1er janvier 1996, en vertu des art. 147.1(11)a) et j) de la Loi de l’impôt sur le revenu, parce qu’une condition de l’agrément n’avait pas été remplie (l’obligation que les participants soient de salariés)—Cryptic Web a porté l’avis du ministre en appel en vertu de l’art. 172(3)f)—La demanderesse a sollicité l’autorisation d’intervenir à l’appel, mais sa requête a été rejetée au motif qu’elle était prématurée—Puisque sa requête n’a pas été rejetée sur le fond, la demanderesse peut toujours présenter une nouvelle requête en intervention dans l’appel si l’instance reprend son cours—L’appel de Cryptic Web est en suspens— Les participants au régime de pension pourraient devoir supporter un fardeau fiscal plus lourd si l’agrément est retiré rétroactivement—La Loi sur les Cours fédérales habilite la Cour d’appel à entendre et à trancher les demandes de contrôle judiciaire visant les décisions d’offices fédéraux déterminés—Aucun recours direct ne peut être intenté devant la Cour contre une décision du ministre du Revenu national, sauf les recours prévus par la Loi de l’impôt sur le revenu (art. 172(3))—La Loi de l’impôt sur le revenu est l’une des lois fédérales qui confèrent compétence à la Cour dans des affaires qui ne relèvent pas de la Loi sur les Cours fédérales—L’art. 172(3)f) de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit un droit d’appel visant les avis d’intention ministériels de retrait de l’agrément d’un régime de pension—Cependant, seuls l’administrateur du régime et les employeurs participants peuvent s’en prévaloir—Les participants ne sont pas habilités à l’exercer—En matière de retrait d’agrément d’un régime de pension, la Loi prévoit que le ministre peut délivrer deux types d’avis à l’administrateur du régime : 1) l’avis d’intention prévu à l’art. 147.1(11) et 2) l’avis de retrait prévu à l’art. 147.1(12)—L’avis d’intention doit préciser la raison du retrait envisagé et la date à laquelle il prendrait effet—L’avis d’intention fait naître le droit d’appel prévu à l’art. 172(3)f)— Il correspond également au début de la période de 30 jours après laquelle le ministre peut délivrer l’avis de retrait, qu’un recours en appel fondé sur l’art. 172(3) ait été déposé ou non—L’avis de retrait est l’instrument qui emporte le retrait de l’agrément du régime de pension—Il doit préciser la date d’effet du retrait—Si l’avis de retrait est donné après la délivrance d’un avis d’intention, la date d’effet indiquée dans l’avis de retrait peut être toute date non antérieure à la date d’effet proposée dans l’avis d’intention—Aux termes de l’art. 147.1(13), l’agrément d’un régime de pension est retiré à la date d’effet indiquée dans l’avis de retrait, « sauf ordonnance contraire de la Cour [. . .] sur demande formulée avant qu’il ne soit statué sur tout appel interjeté . . . »—La disposition manque de précision concernant la nature des ordonnances visées, les personnes habilitées à formuler une demande et le moment où une telle demande peut être faite—L’art. 147.1(13) prévoit que la demande doit être formulée avant qu’il ne soit statué sur un appel interjeté en vertu de l’art.172(3)—La restriction formulée à l’art. 147.1(13), suivant laquelle seul l’administrateur d’un régime agréé ou un employeur participant peut exercer le droit d’appel établi à l’art. 172(3) à l’encontre de l’avis d’intention de retirer l’agrément d’un régime, ne vise pas la demande fondée sur l’art. 147.1(13) relative à l’avis de retrait—Comme les conséquences fiscales du retrait d’agrément d’un régime de pension affectent surtout les participants au régime, il n’est pas déraisonnable de supposer que le législateur ait voulu offrir une forme quelconque de recours aux participants à un régime de pension dont l’agrément est sur le point d’être retiré —L’effet juridique de l’art. 147.1(13) est double : le retrait de l’agrément, la date de prise d’effet du retrait—Si une demande est conforme aux conditions de la loi, l’art. 147.1(13) confère à la Cour le pouvoir de modifier la date d’effet du retrait, de le suspendre ou d’y surseoir jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’appel interjeté en vertu de l’art. 172(3)—Interpréter l’art. 147.1(13) de manière à ne permettre qu’une ordonnance de suspension ou de sursis à l’égard du retrait empêcherait toute possibilité de se prévaloir de l’art. 147.1(13) pour obtenir une ordonnance modifiant la date d’effet précisée dans l’avis de retrait, même lorsqu’un appel est interjeté en vertu de l’art. 172(3)—Il n’y a pas de raison de principe pour que l’art. 147.1(13) n’accorde pas à la Cour le pouvoir de rendre une ordonnance modifiant la date d’effet précisée dans l’avis de retrait ou de suspendre le retrait ou d’y surseoir jusqu’à l’issue d’un appel en instance fondé sur l’art.172(3), que le retrait soit volontaire ou forcé—L’exercice du pouvoir de la Cour exigerait que la demande respecte les conditions prévues à l’art. 147.1(13)—L’art. 147.1(13) ne limite pas le recours aux seules personnes jouissant du droit d’appel prévu à l’art. 172(3) (administrateurs du régime et employeurs participants) —Ce sont les participants au régime qui ont le plus intérêt à ce que tout différend sur le choix d’une date d’effet soit réglé—Si l’art. 147.1(13) n’autorise pas les participants à contester la date d’effet du retrait d’agrément d’un régime de pension, la décision du ministre de délivrer un avis de retrait peut alors relever de la compétence de premier ressort exclusive de la Cour fédérale en vertu de la Loi sur les Cours fédérales—Si la Cour fédérale a compétence, cela signifie que la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale pourraient être appelées à statuer sur le même point, avec le risque que des décisions contradictoires soient rendues—Par conséquent, quiconque peut démontrer un intérêt concret et important dans le retrait d’agrément d’un régime de pension a qualité pour se porter demandeur en vertu de l’art. 147.1(13)—Une ordonnance ne peut pas être rendue en vertu de cette disposition tant et aussi longtemps qu’un avis de retrait n’a pas été délivré—Toutefois, l’art. 147.1(13) n’interdit pas de formuler une demande à l’égard d’un régime de pension pour lequel l’avis de retrait n’a pas encore été délivré mais qui fait l’objet d’un avis d’intention porté en appel—La Cour ne peut rendre une ordonnance en vertu de l’art. 147.1(13) que si la demande a été faite avant qu’il ne soit statué sur tout appel fondé sur l’art. 172(3)—Si l’ordonnance doit être rendue avant qu’il ne soit statué sur l’appel, il doit être possible de formuler une demande d’ordonnance alors que l’appel est en instance—En conséquence, la demanderesse avait qualité pour présenter une demande de contrôle judiciaire et la Cour avait compétence pour rendre une ordonnance, mais la Cour ne pouvait statuer sur la demande avant qu’un avis de retrait ait été délivré—Demande suspendue—Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), art. 147.1 (mod. par L.C. 1990, ch. 35, art. 16; 1994, ch. 7, ann. II, art. 120(F); ann. VIII, art. 85; 1996, ch. 21, art. 36; 1997, ch. 25, art. 44; 1998, ch. 19, art. 39, 173; 2003, ch. 15, art. 84; 2005, ch. 30, art. 11), 172(3)f) (mod. par L.C. 1990, ch. 35, art. 18; 1994, ch. 7, ann. II, art. 141; 1998, ch. 19, art. 46; 2001, ch. 41, art. 115, 127; 2005, ch. 19, art. 39)—Loi sur les Cour fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14).
Boudreau c. M.R.N. (A‑248‑05, 2005 CAF 304, juge Sharlow, J.C.A., ordonnance en date du 20‑9‑05, 27 p.)