PRATIQUE
Communication de documents et
interrogatoire préalable
Ordonnances Anton Piller
Demande d’examen d’une ordonnance Anton Piller, afin de transformer une injonction provisoire en une injonction interlocutoire, et d’une demande d’ordonnance de justification relativement aux allégations d’outrage concernant l’ordonnance Anton Piller contre le défendeur Sean Eren—La société demanderesse offrait des téléviseurs au plasma en vente exclusivement sur Internet (vente au détail en ligne)— Le défendeur Sean Eren, un programmeur, a travaillé pour la demanderesse en qualité d’entrepreneur indépendant, puis comme employé, jusqu’à ce qu’il démissionne pour joindre la défenderesse Avery Holdings Inc., laquelle cherchait à se lancer dans la vente au détail en ligne pour vendre des téléviseurs au plasma—Avery a lancé son site Web de vente en ligne un mois plus tard—La demanderesse a appris l’existence de ce site Web et a constaté que le texte, les images et la compilation des produits étaient identiques à ceux de son propre site Web—La demanderesse a communiqué avec le serveur hôte du site Web d’Avery au Canada pour qu’il retire le site Web en question, mais sans succès—Avery a intenté une action contre la demanderesse devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, pour ingérence dans ses relations contractuelles et pour atteinte à ses intérêts économiques, et la demanderesse s’est vue accorder une prolongation de délai pour déposer une défense—Entre‑temps, la demanderesse a intenté une action devant la Cour fédérale, alléguant une violation du droit d’auteur, l’utilisation abusive de renseignements confidentiels et une violation de contrat—La demanderesse a également demandé une ordonnance Anton Piller et une injonction provisoire—Cette ordonnance a été accordée, permettant l’exécution à trois endroits et autorisant à saisir, inspecter ou copier le matériel concernant la violation des droits d’auteur de la demanderesse ou l’utilisation de ses renseignements confidentiels—Une injonction provisoire interdisant aux défendeurs de violer les droits d’auteur de la demanderesse et d’utiliser ses renseignements confidentiels a également été accordée—L’ordinateur portatif de la défenderesse Susan Katz a été remis, son contenu a été inspecté et certains documents ont été retracés—Il a plus tard été découvert que le défendeur Sean Eren était également en possession d’un ordinateur dont il était raisonnable de penser qu’il contenait du matériel et de l’information concernant le droit d’auteur et les renseignements confidentiels en cause mais, au moment où on a révélé l’existence de cet ordinateur, les données avaient été perdues—L’ordonnance Anton Piller trouve son origine dans l’arrêt Anton Piller KG v. Manufacturing Process Ltd., [1976] 1 Ch. 55 (C.A.), dans lequel la Cour a expliqué que pareille ordonnance ne devait être accordée que dans les circonstances les plus exceptionnelles—Les conditions pour l’ordonnance ont été fixées dans cet arrêt adopté par la Cour fédérale—Aussi, dans les procédures ex parte, le demandeur a la lourde obligation de faire une divulgation fidèle et complète des faits pertinents à la Cour—Application des conditions à l’espèce—La première condition, une preuve prima facie extrêmement solide, n’a pas été remplie—La déclaration de violation du droit d’auteur de la demanderesse n’a pas démontré l’objet visé en particulier, comment l’objet était protégé par le droit d’auteur au Canada et pourquoi la demanderesse prétendait être titulaire du droit d’auteur—La demanderesse n’a pas fait valoir la nature de l’œuvre, celle‑ci devant être visée par la Loi sur le droit d’auteur, la nationalité de l’auteur et le lieu de la première publication—L’ordonnance ne précisait pas l’œuvre ou les œuvres qui en faisaient l’objet—Aucun fait donnant naissance à cette présomption n’avait été invoqué ni prouvé—Les œuvres qui seraient protégées par le droit d’auteur n’ont jamais été clairement définies—Les documents trouvés dans l’ordinateur portatif du défendeur ne présentaient aucune preuve prima facie extrêmement solide—Quant à l’utilisation abusive de renseignements confidentiels, la Cour n’a pas compétence pour entendre une demande de réparation relativement à des « renseignements confidentiels » et pour faire droit à pareille demande—Cette partie de la déclaration est radiée—La deuxième condition, un préjudice très grave à la demanderesse, n’a pas été prouvée—À cette étape, tout préjudice n’est que supposition—La troisième condition, une réelle possibilité que des éléments de preuve soient détruits, n’a pas été remplie parce que la thèse de la demanderesse reposait essentiellement sur des éléments de preuve qui étaient du domaine public—Quant à la quatrième condition (en fait, une condition préalable), l’inspection a causé un préjudice réel (p. ex. l’effet de la tentative d’exécution de l’ordonnance dans une résidence privée, louée à une autre personne qu’à un défendeur, sur la perception qu’a une adolescente du processus judiciaire, des tribunaux et de la dignité du droit)— C’est pour cette raison que l’on a affirmé que la demanderesse n’avait pas été franche lorsqu’elle avait présenté sa preuve et ses observations au juge qui avait accordé l’ordonnance— C’est aussi parce que la demanderesse n’avait pas dit à la Cour que des discussions avaient lieu entre ses avocats et ceux de la défenderesse Avery dans le cadre de l’action intentée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et qu’on lui avait accordé un délai pour déposer une défense à cette action jusqu’au jour même de l’audition de la demande visant à obtenir une ordonnance Anton Piller—L’ordonnance Anton Piller a été annulée—En ce qui a trait à l’injonction interlocutoire, la demanderesse n’a pas fait la preuve d’un préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients était favorable aux défendeurs—L’injonction provisoire a été annulée—Quant à l’outrage au tribunal, l’ordonnance Anton Piller, à l’exception de la partie relative aux renseignements confidentiels, était valide jusqu’alors et on devait s’y conformer—Une personne prudente et honnête aurait remis l’ordinateur à des fins d’inspection au moment approprié— Pour ce motif, une ordonnance de justification a été rendue—Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C‑42.
Netbored Inc. c. Avery Holdings Inc. (T‑2289‑03, 2005 CF 1405, juge Hughes, ordonnance en date du 14‑10‑05, 41 p.)