FONCTION PUBLIQUE
Demande de contrôle judiciaire visant la décision d’une conseillère de ne pas avoir accordé au demandeur le droit d’avoir recours à une révision par un tiers indépendant (RTI) relativement au fait que le poste convoité par celui‑ci fut désigné comme une mutation latérale temporaire et non un poste permanent—Le demandeur, employé de la défenderesse (l’ADRC), a reçu un courrier électronique à l’interne annonçant un poste à combler (« Avis d’intérêt ») comme évaluateur à la section de l’Évaluation des biens immobiliers et y a répondu—Sa candidature a été retenue avec celle de trois autres employés pour participer au processus de concours—Toutefois, il n’a pas obtenu le poste convoité et, croyant qu’il s’agissait d’un poste permanent, décida de se prévaloir des recours offerts par le programme de dotation de la défenderesse—En vertu de l’art. 54 de la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada, la défenderesse a pu créer son propre programme de dotation en personnel qui établit non seulement comment les nominations des employés sont régies, mais également les recours offerts aux employés— Les Directives sur les recours en matière de dotation prévoient qu’un employé qui est insatisfait d’une décision prise au cours du processus de sélection ou qui ne réussit pas les étapes du processus de sélection peut invoquer une variation des trois recours disponibles selon la nature de l’emploi : soit la rétroaction individuelle, la révision de la décision à l’interne ou la RTI—Lorsque le demandeur a appris qu’il n’avait pas obtenu le poste, il a demandé une rétroaction individuelle conformément aux Directives sur les recours en dotation—Suite à la séance de rétroaction, l’ADRC permet aux employés insatisfaits de cette dernière d’entamer un recours de RTI en présentant une demande écrite au Bureau de gestion des différends de l’ADRC et au gestionnaire qui a rendu la décision relativement au poste—Le Bureau de gestion des différends doit ensuite vérifier la demande afin qu’elle satisfasse à toutes les exigences d’admissibilité d’une RTI, y compris la condition que le poste soit permanent—Si les exigences sont satisfaites, la demande est remise à un tiers indépendant pour une révision—Lorsque le demandeur a tenté d’avoir recours à la RTI, la conseillère refusa que sa plainte soit renvoyée en RTI stipulant que ce recours n’est disponible que pour des postes permanents—La Cour devait examiner le processus que la conseillère a suivi pour rendre sa décision qu’il s’agissait d’une mutation latérale temporaire—Le fait que la défenderesse régit son propre programme de dotation ne fait pas en sorte qu’elle puisse appliquer les directives comme bon lui semble—La conseillère n’a jamais entamé une procédure, soit documentaire ou par audience, afin de qualifier la nature du poste—Le fait que la Loi a permis au programme de donner effet à ces directives crée une attente légitime d’équité procédurale—La défenderesse est néanmoins sujette aux principes de justice naturelle et doit s’assurer que les employés peuvent s’attendre à ce que le processus de recours, tel qu’établi par les directives, soit respecté—Même si la défenderesse a informé verbalement le demandeur que ce n’était pas un poste permanent et qu’il ne pouvait donc pas bénéficier d’une RTI, le demandeur n’a pas eu la chance de répondre à cette affirmation—Cela a nécessairement entraîné une violation de justice naturelle—Les parties ont présumé que si la conseillère avait des inquiétudes, elle les énoncerait et donnerait la chance au demandeur d’y répondre—Donc, la discussion à savoir si la dispute pouvait être entendue par un tiers indépendant n’a jamais été abordée—Le demandeur ne pouvait se prévaloir automatiquement du recours à la RTI— Pour que sa demande soit référée à un tiers indépendant, la conseillère devait décider de la recevabilité de la demande de ce dernier—Même si le processus devant la conseillère n’était pas de nature contradictoire, la décision de celle‑ci influençait grandement les droits du demandeur—La croyance fondamentale du demandeur que le poste était permanent créait une attente raisonnable qui aurait dû être abordée de façon équitable par la conseillère—Si cette dernière n’était pas en mesure de prendre une décision basée sur l’information qu’elle détenait, elle avait donc, au minimum, une obligation de permettre au demandeur de présenter sa cause par rapport à la nature du poste afin d’évaluer ensuite la situation—Il existait clairement une question d’équité procédurale en l’espèce—Même en l’absence d’une telle question, la décision de la conseillère était manifestement déraisonnable—La Cour n’a pas eu l’opportunité d’analyser le raisonnement de la conseillère puisque celle‑ci n’a aucunement expliqué sa décision—Il était donc impossible pour le demandeur ou la Cour de comprendre comment elle a conclu que le poste était temporaire—Le fait de ne pas donner d’explication de son raisonnement (par exemple, par la rédaction de motifs) pose un risque pour la conseillère, car même si sa décision peut, à priori, ne pas sembler raisonnable, il y a un fil conducteur que la Cour peut suivre afin d’évaluer comment elle en est venue à cette décision—Puisqu’en l’espèce il n’y avait pas de fil conducteur, la Cour devait donc se fier à la preuve soumise par les parties afin d’évaluer si cette décision était raisonnable —Si la preuve suggérait un résultat différent de celui établi par la conseillère, il serait ensuite difficile pour la Cour d’appuyer le raisonnement de cette dernière—La conseillère doit déterminer ce qui est admissible pour une RTI et l’un des facteurs déterminants est de qualifier le poste comme étant temporaire ou permanent—Pour ce faire, la conseillère n’avait ni fait de recherche indépendante, ni consulté la preuve ou les individus concernés par la question—En refusant de faire cette distinction, elle a manqué à son rôle, ce qui était une question de compétence—La nature même du poste devait être interprétée, et il n’était pas possible de se fier sur la déclaration que le poste était temporaire afin de lui attribuer cette désignation—En raison du fait que le candidat devait consacrer plusieurs années de sa carrière, et que le poste existait longtemps avant l’affichage de l’« Avis d’intérêt », la Cour a maintenu que le poste était permanent—De plus, le libellé des directives du programme de dotation et l’ambiguïté entre la version anglaise et française pouvait être interprétée en faveur du demandeur—Alors que les directives dans la version anglaise stipulent qu’une des conditions à une RTI est que le poste soit un « permanent appointment », la version française fait référence à une « promotion à un poste permanent »—Dans de tels contextes, s’il y a ambiguïté dans les directives, l’employeur ne devrait pas être en mesure de reposer son argument sur une version du libellé afin de nuire aux droits que confèrent les directives—En vertu des faits exposés par les parties et sans l’avantage de comprendre le raisonnement de la conseillère, la Cour croyait que la décision de cette dernière était manifestement déraisonnable—De plus, l’affidavit d’une personne n’ayant aucune connaissance personnelle des faits relatés dans ce dernier n’est pas admissible devant la Cour en vertu de la règle 81(1) des Règles des Cours fédérales—Les études sociologiques incorporées dans le dossier du demandeur pour soutenir sa prétention que le poste était permanent n’étaient pas admissibles principalement parce qu’elles n’ont jamais été présentées devant la conseillère et enfreindraient la règle 81(1) des Règles contre le ouï‑dire—Malgré le fait qu’il s’agissait d’une révision par un tiers indépendant qui interprète des directives propre à un département tel que l’ADRC, il était néanmoins nécessaire que le processus fasse preuve d’équité procédurale envers les individus qui y avaient recours— Demande accueillie—Loi sur l’Agence du revenu du Canada, L.C. 1999, ch. 17, art. 54—Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, règles 1 (mod. par DORS/2004‑283, art. 2), 81(1).
Girard c. Canada (Agence des Douanes et du Revenu) (T‑1844‑04, 2005 CF 1341, juge Harrington, ordonnance en date du 30‑9‑05, 12 p.)