CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION
Statut au Canada
Réfugiés au sens de la Convention
Contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger—Les demandeurs, mari et femme, sont des citoyens albanais âgés de 69 et 61 ans—Ils disaient craindre la persécution en raison des convictions politiques de leur fils et de leur appartenance au groupe social d’une famille qui a été persécutée au cours de l’ancien régime—Lorsque le mouvement démocratique a pris naissance, leur fils est devenu un organisateur pour le Parti démocratique et son Forum Jeunesse—Quand le pouvoir est passé aux mains du Parti socialiste (PS), le fils a été persécuté et il s’est enfui en Grèce —Les demandeurs ont affirmé que des hommes masqués ont enfoncé leur porte et ont menacé de dynamiter leur maison et que quelqu’un a exigé d’eux qu’ils versent 2 000 $ au PS—La Commission a critiqué la demanderesse pour ses « faux-fuyants »—Elle a estimé que le fils s’était rendu en Grèce pour des raisons économiques uniquement—Elle a critiqué le fait que les demandeurs n’avaient pas présenté la carte de membre de leur fils pour le Forum Jeunesse du PD—La Commission a estimé que les demandeurs n’avaient pas observé les art. 100(4) et 106 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) non plus que l’art. 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés (les Règles de la SPR) en ce qui a trait aux documents portant sur la participation de leur fils au PD—Il y avait aussi une contradiction dans le rapport de police et la demanderesse a expliqué que l’Albanie ne dispose pas d’une infrastructure rigoureuse en matière de tenue d’archives, mais la Commission n’a pas jugé cette explication crédible—La Commission a estimé que les documents ne confirmaient pas l’allégation d’appartenance à une famille autrefois persécutée et elle a relevé que selon les écrits relatifs aux conditions ayant cours dans le pays, les anciennes victimes de persécution ne couraient plus aucun risque en Albanie—La Commission a également conclu que seuls les membres influents du Forum Jeunesse ont été tués ou agressés—La décision de la Commission portait sur la crédibilité—Le ministre s’appuyait sur l’art. 106 de la LIPR (défaut d’établir l’identité) qui porte sur la crédibilité, mais l’identité des demandeurs n’était pas en cause en l’espèce et l’application d’une disposition hors de propos pour tirer une conclusion défavorable aux demandeurs constituait une erreur de droit—Cette disposition ne saurait être employée pour critiquer les demandeurs parce qu’ils n’ont pas produit les pièces d’identité se rapportant à leur fils, qui n’est pas un demandeur d’asile au Canada et qui n’était pas devant la Commission—Il y avait de la part de la Commission soit une confusion sur le sens de la disposition, soit une tentative d’élargir le champ de l’art. 106 en le rattachant à l’art. 100(4) de la LIPR et à l’art. 7 des Règles de la SPR, ce que la Commission n’avait pas le pouvoir de faire—L’art. 106 est une disposition autonome qui porte uniquement sur la crédibilité des demandeurs d’asile concernant leur propre identité—L’application erronée d’une disposition de la LIPR est une pure question de droit et par conséquent les décisions de la Commission portant sur la validité des pièces d’identité qui sont sujettes à révision selon la norme de la décision manifestement déraisonnable sont inapplicables—La Cour était préoccupée par l’affirmation suivante, qu’on trouve assez souvent dans les décisions de la SPR, à savoir : « Le tribunal préfère la preuve documentaire de la Commission à celle des intéressés parce qu’elle provient d’un certain nombre de sources objectives qui n’ont aucun intérêt dans cette demande d’asile ou dans quelque autre demande d’asile »—Cette affirmation semble infirmer la présomption de vérité quant au témoignage sous serment d’un requérant exposée dans la décision Maldonado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.)—L’écart important entre le témoignage des demandeurs d’asile et les conditions qui ont cours dans le pays pourrait constituer une « raison de douter », mais appliquer cette affirmation sans faire une analyse des contradictions est contraire au droit—Le recours à cette affirmation rendrait absurdes toutes les audiences portant sur des demandes d’asile : si la preuve est jugée suspecte parce qu’elle est produite par ceux qui y ont un intérêt, alors il n’est nul besoin de tenir une audience— Cependant, dans la présente affaire, l’affirmation était nuancée par une phrase qui la rattache à une analyse plus détaillée des raisons pour lesquelles la preuve posait un problème, de sorte que la « raison de douter » a été établie d’une manière assez convaincante—La Cour ne peut modifier les conclusions de la Commission portant sur la crédibilité des demandeurs d’asile que si elles sont manifestement déraisonnables et étant donné que la Commission a expliqué d’une manière détaillée et approfondie ses conclusions de fait se rapportant à la crédibilité, ces conclusions ne pouvaient être infirmées sans que cela n’entraîne une nouvelle appréciation de la preuve—La Cour a estimé que les demandeurs n’ont pas établi les faits propres à justifier leur crainte de persécution et qu’ils ont tenté de dissimuler le fait que leur fils, qui est la raison principale de la prétendue persécution, est retourné vivre en Albanie—Demande rejetée—Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 72(1), 100(4), 106—Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, art. 7.
Kosta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (IMM-7715-04, 2005 CF 994, juge Teitelbaum, ordonnance en date du 19-7-05, 14 p.)