PÉNITENCIERS
Contrôle judiciaire visant la décision du commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC) qui a rejeté le grief du demandeur à l’encontre de son placement en isolement préventif dans l’établissement de Fenbrook (Fenbrook)—On avait ordonné le placement en isolement préventif du demandeur aux motifs qu’il agissait ou avait l’intention d’agir d’une manière compromettant la sécurité de l’établissement ou de personnes et que son maintien parmi les autres détenus ferait perdurer ce risque—On avait informé l’administration carcérale que le demandeur aurait fait partie intégrante de la sous‑culture de la drogue à Fenbrook; aurait intimidé d’autres détenus, directement ou indirectement; aurait porté sur lui une arme à l’occasion—Le rapport sur le placement en isolement non sollicité (le rapport sur le placement) exposait les motifs et la justification de la décision du placement en isolement préventif—Le Comité de réexamen des cas d’isolement (le Comité) avait procédé à un réexamen du placement en isolement du demandeur, conformément à l’art. 21(2)a) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition—Le demandeur avait assisté à l’audition et il y avait présenté une réfutation des allégations—Sur la recommandation du Comité, le demandeur fut maintenu en isolement préventif en attendant que soit terminée l’enquête de l’agent de renseignements de sécurité (l’ARS) —On avait communiqué au demandeur les motifs écrits de la recommandation du Comité—Par la suite, on lui avait communiqué en détail l’essentiel des allégations, mais non les rapports sur les renseignements de sécurité ni les registres des communications interceptées du demandeur (qui avait utilisé un faux numéro d’identification personnel pour éviter le dépistage) pour assurer la sécurité de l’établissement et des sources d’information—Le demandeur avait porté un grief à l’encontre de la décision de le placer en isolement au moyen de la procédure interne de règlement des griefs du SCC—Le grief avait été rejeté au deuxième palier par le sous‑commissaire régional de l’Ontario—La décision au troisième palier du SCC a confirmé le rejet par le sous‑ commissaire du grief du demandeur—L’administration carcérale est tenue de respecter l’équité procédurale lorsqu’elle exerce son pouvoir d’imposer l’isolement préventif non sollicité à un détenu—La norme de contrôle applicable en matière d’obligation d’équité est la décision correcte—Le SCC n’a pas fait défaut de donner au demandeur des précisions suffisantes sur les allégations portées pour qu’il puisse bien savoir ce qu’il lui faudrait présenter au soutien de sa cause et qu’il puisse présenter une réponse valable—Le principe d’équité requiert que l’intéressé soit informé de ce qu’il lui faut présenter au soutien de sa cause et qu’on lui accorde l’occasion de répondre valablement aux allégations portées contre lui—L’obligation d’équité repose également sur une appréciation du contexte de la loi particulière et des droits visés—Le principe d’équité en regard des décisions de placer un détenu en isolement préventif requiert qu’on communique au détenu placé en isolement les motifs de la décision et les faits justifiant ces motifs—Il exige que soit divulguée la justification pertinente aux termes de l’art. 31(3) du Règlement et que soient précisés les faits sur lesquels reposent les motifs—L’obligation de divulgation découlant du principe d’équité est plus rigoureuse dans les affaires disciplinaires que dans les affaires liées à la gestion de l’établissement—On a satisfait à l’obligation d’équité, une fois le détenu informé de l’existence de renseignements se rapportant au motif particulier cité pour le placer en isolement—On avait informé le demandeur à plusieurs reprises que le motif de son placement en isolement était celui énoncé aux art. 31(3)(i) et (ii) de la Loi (qu’il agissait ou tentait d’agir d’une manière compromettant la sécurité de personnes ou du pénitencier)— Les renseignements fournis satisfaisaient à l’obligation de divulguer au demandeur le motif de son placement en isolement—On avait en outre remis au demandeur un sommaire faisant état de l’existence de renseignements concernant la sécurité de l’établissement—Des précisions sur les allégations figuraient au rapport sur le placement— Chacune des allégations avait directement trait à la sécurité de l’établissement et d’autres détenus—L’information divulguée permettait au demandeur d’être valablement renseigné sur ce qu’il lui fallait présenter au soutien de sa cause—L’agent de la sécurité du SCC avait fait connaître au demandeur le détail des allégations portées, y compris l’utilisation d’un faux NIP pour faire des appels téléphoniques, l’utilisation d’un compte de banque pour effectuer de louches transactions, etc.— L’administration carcérale n’avait pas à divulguer au demandeur qu’elle avait obtenu certains de ces renseignements grâce à l’interception de communications téléphoniques— L’obligation de divulgation est satisfaite une fois qu’on a précisé la nature des allégations relatives au motif de placement en isolement—Il n’y avait pas d’obligation additionnelle de divulguer les sources précises d’information —Il y avait eu communication suffisante tant des motifs de l’isolement que des renseignements justifiant ces motifs pour que le demandeur puisse y répondre par des observations valables—La norme de contrôle judiciaire est applicable à la décision au troisième palier du SCC de maintenir le placement en isolement préventif du demandeur—Application de l’analyse pragmatique et fonctionnelle—1) La Loi ne renferme aucune clause privative mettant à couvert les décisions du commissaire dans le cadre de la procédure de grief, ni ne prévoit de voie d’appel à l’égard de telles décisions —Le premier facteur, par conséquent, est neutre—2) Le commissaire ou son représentant disposait manifestement d’une certaine expertise en regard du SCC et de la gestion de ses établissements, qui comprend l’isolement préventif—Ce facteur favorise la retenue judiciaire à l’endroit des décisions du commissaire concernant la gestion interne d’une prison, y compris en matière de griefs de détenus à l’encontre de leur isolement préventif—3) L’objet général de la Loi est de contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité—On reconnaît dans la Loi la nécessité pour le SCC de superviser lui‑même les questions liées à son administration interne—L’art. 31 de la Loi énonce que l’objet de l’isolement préventif est de tenir un détenu séparé des autres détenus pour l’un ou l’autre des motifs énumérés à l’art. 31(3)—Tous ces motifs ont trait à la sécurité du détenu, d’autres personnes ou de l’établissement lui‑même—L’objet de la disposition législative favorise la retenue judiciaire face à la décision du commissaire—4) La nature de la question à examiner—La décision du commissaire nécessitait d’apprécier des questions de fait—On devait appliquer à la décision au troisième palier du SCC la norme de la décision manifeste-ment déraisonnable—Pour en arriver à sa conclusion, le décisionnaire avait pris en compte les motifs justifiant l’isolement non sollicité, les renseignements dont le SCC disposait relativement à ces motifs, la dénégation par le demandeur des allégations portées contre lui ainsi que les motifs écrits de la décision au deuxième palier—Sur la foi des allégations énoncées dans le rapport sur le placement et des autres précisions découlant de l’enquête de l’ARS citées dans les motifs de la décision du sous‑commissaire, le directeur du pénitencier avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait mis en danger la sécurité de l’établissement et continuerait de le faire si on autorisait son maintien parmi les autres détenus—Le directeur du pénitencier avait envisagé dès le départ des solutions de rechange à l’isolement, mais les avait rejetées—Il n’était pas possible de confiner le demandeur à sa cellule étant donné la structure institutionnelle —Le rejet des solutions de rechange à l’isolement préventif avait un caractère raisonnable—La décision au troisième palier du SCC de confirmer le rejet par le sous‑commissaire du grief du demandeur n’était pas manifestement déraisonnable—Demande rejetée—Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 3, 31—Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620, art. 21, 94.
MacDonald c. Canada (T‑330‑05, 2005 CF 1326, juge Kelen, ordonnance en date du 29‑9‑05, 31 p.)