PÊCHES
Contrôle judiciaire d’une décision du ministre des Pêches et des Océans (le ministre), en date du 25 août 2004, qui avait refusé au demandeur le renouvellement d’un permis de pêche exploratoire du crabe—Le demandeur, un pêcheur, pratiquait la pêche commerciale à Terre‑Neuve—Il exploitait deux bateaux : un chalutier à rampe arrière de 75 pieds, baptisé le NM Bear Cove Point, et un chalutier polyvalent de 95 pieds, baptisé le NM Sandy Joanne—En 1995, le demandeur avait obtenu un permis de pêche exploratoire du crabe, qui l’autorisait à pêcher le crabe des neiges dans les divisions 3LMNO de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord‑Ouest (OPANO), au large de Terre‑Neuve et à l’extérieur de la zone canadienne des 200 milles—Le permis était délivré pour utilisation sur le NM Bear Cove Point et il avait été renouvelé chaque année depuis 1996—En 1996, le demandeur se voyait délivrer un permis de pêche exploratoire du pétoncle, qui l’autorisait à pêcher le pétoncle dans les divisions 3LNO de l’OPANO, à l’extérieur de la zone des 200 milles—Le permis était délivré pour utilisation sur le NM Sandy Joanne et ce permis a été renouvelé chaque année depuis 1997—En 1998, le ministère des Pêches et des Océans (MPO) autorisait le demandeur à effectuer une « campagne d’évaluation » du crabe des neiges dans la division 3N de l’OPANO, à l’extérieur de la zone des 200 milles, pour savoir s’il y avait des stocks de crabe des neiges dans cette région—Le permis de pêche exploratoire du crabe des neiges (le deuxième permis de pêche du crabe) était délivré pour une période de 30 jours et devait être utilisé sur le NM Sandy Joanne—La validité du permis fut prolongée de 15 jours—Le travail exploratoire ayant donné des résultats, le demandeur a sollicité le renouvellement des deux permis de pêche exploratoire du crabe—Le permis de pêche du crabe applicable au NM Bear Cove Point a été renouvelé, mais celui applicable au NM Sandy Joanne ne l’a pas été—Le directeur général régional a rejeté l’appel formé contre la décision de ne pas renouveler le deuxième permis—En appel, l’Office des appels relatifs aux permis de pêche de l’Atlantique (l’Office des appels) a recommandé au ministre de rejeter l’appel, en portant à son attention l’existence d’un moratoire depuis 1996 sur la délivrance de nouveaux permis de pêche exploratoires du crabe—Le ministre a accepté la recommandation et rejeté la demande de renouvellement du deuxième permis de pêche du crabe—Saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale a fait droit à la demande au motif que l’Office des appels et le ministre avaient tous deux négligé de se demander si le NM Sandy Joanne était utilisé comme bateau de remplacement ou plutôt à la faveur d’un permis autonome délivré en octobre 1998—L’affaire a été renvoyée au ministre pour nouvelle décision conforme aux motifs de la Cour fédérale—Une nouvelle formation de l’Office des appels a été constituée pour qu’elle décide si le NM Sandy Joanne était utilisé comme navire de remplacement ou à la faveur d’un permis autonome délivré en octobre 1998—L’Office des appels a conclu qu’un deuxième permis autonome avait été délivré au demandeur, mais il a recommandé que le permis ne soit pas renouvelé—Après réception de la recommandation, le ministre a refusé de délivrer au demandeur un deuxième permis de pêche du crabe des neiges pour le NM Sandy Joanne le 25 août 2004—Demande de contrôle judiciaire de la seconde décision du ministre—La norme de contrôle qui était applicable à la décision du ministre était la décision manifestement déraisonnable—Puisqu’il était raisonnable de supposer que la décision de l’Office des appels constituait l’un des fondements de la décision du ministre, la décision de l’Office des appels était sujette à révision—Toutefois, le pouvoir discrétionnaire de l’Office des appels dans les recommandations qu’il faisait en matière de délivrance de permis n’était pas aussi large que celui conféré au ministre— Par conséquent, la décision devait être revue selon la norme de la décision raisonnable simpliciter—Le rôle de l’Office des appels est de faire des recommandations au ministre sur les appels en matière de permis, en déterminant si le requérant a été traité équitablement et d’une manière conforme aux politiques, méthodes et procédures du ministère—L’Office des appels doit aussi déterminer si des circonstances atténuantes justifient une dérogation aux politiques, méthodes ou procédures établies—Si l’Office des appels n’a pas fait expressément état des politiques dans sa recommandation, cela ne signifie pas qu’il n’en a pas tenu compte puisque les politiques applicables étaient énumérées dans le sommaire qui précédait la recommandation—Certaines politiques du MPO soumises à l’Office des appels indiquaient clairement que les pêcheurs tels que le demandeur n’avaient pas automatique-ment droit au renouvellement de leurs permis—Selon les textes applicables, le ministre peut, comme il l’entend, délivrer des permis de pêche—La délivrance d’un document à une personne ne lui confère aucun droit ou privilège—Il appert de la preuve qu’il y avait un moratoire sur la délivrance des permis de pêche du crabe depuis 1996—Aucune autre entreprise ne détenait plus d’un permis de pêche exploratoire du crabe pour les divisions 3LNO de l’OPANO à l’extérieur de la zone des 200 milles—Par ailleurs, rien ne donnait à penser que les fonctionnaires du MPO avaient de quelque façon laissé croire au demandeur que le deuxième permis de pêche du crabe, qui était valide pour une durée de 30 jours, serait renouvelé dans l’avenir—Vu la preuve que l’Office des appels avait devant lui, sa recommandation de rejeter l’appel du demandeur n’était pas déraisonnable ou injuste—La Cour fédérale avait d’ailleurs confirmé à maintes reprises qu’un permis de pêche est un privilège accordé par le ministre et que le titulaire du permis n’a pas un droit acquis à son renouvellement—Le demandeur n’avait pas d’attentes raisonnables ou légitimes quant à un deuxième permis de pêche commerciale du crabe en 1999 du seul fait qu’il avait obtenu en 1998 un permis de 30 jours qui l’autorisait à sonder des eaux inexplorées afin d’y trouver du crabe—Le travail exploratoire, couronné de succès, avait entraîné en 1999 une augmentation appréciable du quota de pêche au crabe du demandeur attribué au Bear Cove Point—La composition et la structure de la seconde formation de l’Office des appels ne justifiaient pas une crainte raisonnable de partialité—Cette seconde formation comprenait trois membres ayant droit de vote, plus un employé du MPO—L’employé du MPO ne s’était pas exprimé sur la recommandation, mais il avait été présent durant la délibération à huis clos de l’Office des appels—Le critère de la crainte raisonnable de partialité a été exposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369—L’employé du MPO tenait lieu de secrétaire à l’Office des appels et il lui communiquait l’information générale nécessaire—Son rôle n’était pas de défendre telle ou telle position—L’employé du MPO n’avait joué aucun rôle dans la délibération de l’Office et il n’était pas intervenu dans le débat des trois membres votants de l’Office—Une personne informée constaterait que l’Office des appels donne au ministre un avis impartial non contraignant—Elle constaterait aussi que l’Office des appels n’est pas une instance autonome pourvue d’un secrétariat indépendant du MPO—L’obligation d’équité est une obligation souple—L’audience de l’Office des appels s’est déroulée dans le respect des principes de l’équité procédurale—La présence d’un employé du MPO comme secrétaire et personne‑ressource de l’Office des appels ne suscitait pas une crainte raisonnable de partialité—Les stricts impératifs de la justice naturelle en matière de partialité ne devraient pas s’appliquer à l’Office des appels— L’indépendance de l’Office n’était pas compromise du seul fait qu’un employé du MPO agissait comme secrétaire de l’Office—Demande rejetée.
Fennelly c. Canada (Procureur général) (T‑1699‑04, 2005 CF 1291, juge Kelen, ordonnance en date du 21‑9‑05, 24 p.)