Pharmacia Inc. c. Canada ( Ministre de la Santé Nationale et du Bien-être social )
T-2991-93
juge Wetston
20-3-95
22 p.
Demande d'ordonnance fondée sur l'art. 6(1) en vue d'interdire au ministre de délivrer un avis de conformité au sujet d'un médicament utilisé dans le traitement du cancer avant l'expiration des brevets en cause-Les requérantes, respectivement propriétaire et licenciée des brevets en cause, commercialisent et distribuent le médicament au Canada-Dans sa demande d'approbation réglementaire déposée en vertu de l'art. 5(1) du Règlement, en vue de commercialiser et de distribuer un produit concurrentiel, la société intimée a déposé un avis d'allégation dans lequel elle affirme qu'aucune revendication des brevets en cause ne sera contrefaite advenant l'utilisation, la fabrication ou la vente du produit-Il s'agit de déterminer si l'allégation de l'intimée affirmant qu'il n'y aura pas contrefaçon du brevet en cause est «fondée»-La nouvelle loi en matière de brevets a créé un nouveau régime de réglementation qui tient compte des droits publics et privés-Le mécanisme proposé par le Règlement prévoit un délai dans le processus d'approbation par le ministre en accordant au breveté la possibilité de déterminer si la fabrication ou la commercialisation du produit concurrentiel aurait pour effet d'enfreindre ses droits de brevet-Le Règlement reconnaît l'existence de droits privés relatifs à un brevet commercial, mais non pas de droits d'action privés-Le Règlement ressortit au droit public, c'est-à-dire que le breveté a le droit de présenter une demande d'interdiction à l'encontre du ministre, mais non d'exercer des droits d'action privés (David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.))-Une demande fondée sur l'art. 6(1) du Règlement constitue une demande de contrôle judiciaire; il s'ensuit que les questions doivent être décidées avec célérité selon la procédure énoncée à la Partie V.1 des Règles de la Cour fédérale-La loi applicable ne comporte aucune disposition inhabituelle concernant le fardeau de la preuve (Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1993), 51 C.P.R. (3d) 329 (C.A.F.)): en vertu de l'art. 6, la partie requérante a le fardeau de prouver que les allégations du fabricant de médicaments génériques ne sont pas fondées, alors que le fabricant de médicaments génériques a le fardeau de présenter un nombre suffisant d'éléments de preuve pour justifier ses allégations-Les prétentions des requérantes sont les suivantes: (1) la charge de présentation incombe à l'intimée; (2) lorsque l'objet d'une allégation relève spécifiquement du domaine des connaissances d'une partie, la common law exige que cette partie en fasse la preuve-La première allégation faite par le fabricant de médicaments génériques doit être étayée par un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde-D'après les Règles de la Cour fédérale et la charge de persuasion qui incombe aux requérantes, les motifs sur lesquels le breveté s'appuie pour contester l'avis d'allégation doivent être mentionnés dans l'avis de requête introductive d'instance déposé en application de l'art. 6(1) du Règlement-Le breveté doit également présenter des éléments de preuve pour appuyer ses motifs, que ceux-ci se fondent sur des faits, sur le droit, sur le droit et les faits, ou sur des opinions-La charge de présentation incombant à l'intimée lui donne la possibilité de fournir des éléments de preuve appuyant l'énoncé détaillé dans lequel elle alléguait la non-contrefaçon, et qu'elle a déposé à une étape antérieure devant le ministre-La présomption de common law concernant la charge de la preuve ne s'applique pas en l'espèce-L'avis de requête introductive d'instance des requérantes et l'affidavit déposé au soutien de cette requête ne contiennent aucun motif justifiant la délivrance d'une ordonnance d'interdiction-Les requérantes n'ont pas démontré que le produit de l'intimée contreferait les revendications du brevet en cause: elles n'ont donc pas prouvé que l'allégation de non-contrefaçon de l'intimée n'était pas «fondée»-Pour s'acquitter de la charge de persuasion qui leur incombe, les requérantes doivent produire des éléments de preuve, particulièrement au vu du fait que la Cour doit présumer que les allégations de fait contenues dans l'avis d'allégation sont avérées sauf si les requérantes prouvent le contraire-Comme l'intimée n'a pas déposé d'allégation concernant un deuxième produit concurrentiel, une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à l'égard de ce produit serait prématurée-La Cour ne peut ordonner qu'une allégation soit déposée auprès du ministre-Les requérantes prétendent que l'intimée, en qualité de filiale canadienne d'une société australienne, n'est pas la «seconde personne» appropriée au sens du Règlement-Le ministre avait un motif raisonnable pour demander que la filiale canadienne, qui est tenue d'obtenir un avis de conformité pour commercialiser et distribuer le produit au Canada, fasse l'allégation; la filiale canadienne est une «seconde personne» appropriée-Requête rejetée-Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 5(1), 6(1)-Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, L.C. 1993, ch. 2, art. 4-Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Partie V.1 (édictée par DORS/92-43, art. 19).