PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS |
Forsch c. Canada (Agence d'inspection des aliments)
T-405-03
2004 CF 513, juge Mosley
2-4-04
29 p.
Contrôle judiciaire de la décision d'un tribunal qui confirmait les résultats d'un concours de dotation en personnel lancé par l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) et refusait d'ordonner la divulgation de certains renseignements concernant les autres candidats--1) Le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a conclu qu'il n'avait pas le pouvoir d'ordonner à l'ACIA de divulguer des documents au demandeur--Le tribunal ne possède pas le pouvoir explicite, en vertu d'une disposition législative, d'ordonner cette divulgation, comme l'aurait un comité d'appel constitué en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, qui a le pouvoir de convoquer des témoins ou d'ordonner la production de documents, mais ce pouvoir existe, dans un sens général, en tant qu'élément des principes fondamentaux de l'équité procédurale--Les principes de l'équité procédurale s'appliquent à ce tribunal, et celui-ci a commis une erreur lorsqu'il a affirmé que ces principes ne jouaient «aucun rôle» dans ses délibérations--Le pouvoir de veiller à ce que la personne qui participe à un processus prévoyant une audience créé par une disposition législative générale (art. 13 de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments--LACIA) ait les moyens de connaître les preuves se rapportant à sa plainte, et sur lesquels l'employeur et le tribunal se fondent, existe en tant qu'élément de la common law en matière d'équité procédurale--La Politique sur les plaintes en matière de dotation reconnaît expressément que le comité doit respecter l'équité procédurale --Le document de Q & R énonce que le tribunal doit décider si l'information est pertinente quant au règlement de la plainte et si elle l'est, il doit l'admettre--Le tribunal doit ensuite donner à l'autre partie à la plainte le temps et la possibilité d'examiner les preuves et d'y réagir--Cet aspect renforce la conclusion selon laquelle le tribunal a le pouvoir d'ordonner la divulgation de preuves dans les affaires dont il est saisi--2) Le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a décidé qu'il n'avait pas le pouvoir d'interpréter la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP)--Le président de l'Agence est considéré aux termes de la LPRP comme un «responsable d'institution fédérale», en vertu des définitions d'«institution fédérale» et de «responsable d'institution fédérale» données dans la LPRP--Le président a le pouvoir, aux termes de l'art. 7 de la LACIA de déléguer «à toute personne les attributions qui lui sont conférées sous le régime de la présente Loi ou de toute autre loi», ce qui comprend le pouvoir de prendre des décisions à l'égard des demandes de divulgation pour les motifs énoncés dans la LPRP--Le tribunal créé par la politique adoptée par l'ACIA a le pouvoir, conformément à cette politique, d'examiner les décisions prises par les gestionnaires de l'Agence au cours d'un concours et, d'une façon générale, l'utilisation du pouvoir délégué de prendre des décisions aux termes de la LPRP relatives aux demandes de divulgation de renseignements--En tant qu'organisme spécialisé mis sur pied pour élaborer des directives au sujet des mesures correctives que l'ACIA doit prendre pour mettre en oeuvre ses politiques en matière de dotation en personnel, le tribunal aurait pu ou dû analyser lui-même si le jury de sélection avait eu raison de refuser la demande de divulgation de renseignements présentée par le demandeur en vertu de la LPRP--La politique en question ne limite aucunement les aspects de la dotation en personnel que le comité peut examiner--3) Le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a jugé que l'équité procédurale ne jouait «aucun rôle» dans ses délibérations--L'employeur a adopté la Politique en matière de dotation du personnel pour veiller à ce que les employés de l'ACIA soient nommés de façon équitable et transparente--La politique énonce que le tribunal interne «est régi par les règles d'équité en matière de procédure» et décrit les éléments fondamentaux de cette obligation--C'est la façon dont l'ACIA a décidé d'agir pour exercer les pouvoirs que lui attribue l'art. 13 de la LACIA-- Compte tenu de ce qui précède et du fait que les intérêts du demandeur sont touchés par la décision du tribunal, ce contexte administratif donne naissance à l'obligation de respecter l'équité procédurale--L'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 contient une liste non exhaustive de facteurs qu'il convient de prendre en considération pour préciser le contenu de l'obligation d'équité dans un contexte administratif particulier--Le demandeur soutient que la LPRP ne peut l'emporter sur l'obligation qu'a le tribunal de suivre les règles de l'équité procédurale--Pour ce qui est des renseignements demandés en l'espèce, le jury de sélection et le tribunal par la suite ont décidé à tort que les demandes présentées par les candidats reçus ne pouvaient être divulguées en raison de la LPRP--En outre, le tribunal a commis une erreur en tenant pour acquis qu'il suffisait de dire au demandeur qu'un candidat reçu possédait l'expérience requise pour ne pas être tenu de donner au plaignant la possibilité d'examiner les renseignements sur lesquels reposait cette affirmation et qui se rapportaient à la plainte du demandeur--Le tribunal était cependant fondé à conclure que la divulgation de ces réponses d'examen ne concernait pas la plainte du demandeur et que, par conséquent, leur divulgation n'était pas exigée--La plainte a un effet certain sur le demandeur--Examinée par rapport à la nature de la décision (qui ne doit pas être de nature accusatoire), et au processus suivi (qui ne doit pas ressembler à un processus judiciaire), la décision du tribunal de ne pas divulguer les demandes présentées par les candidats reçus va à l'encontre des principes de l'équité procédurale--Faute de posséder ces renseignements, le demandeur n'a pas été en mesure de présenter sa plainte de façon complète et équitable et la divulgation de ces renseignements n'aurait pas porté atteinte au droit à la protection des renseignements personnels des candidats reçus comme le prévoit la LPRP, étant donné que l'ACIA aurait pu fournir ces renseignements sans aller à l'encontre de la LPRP--La communication des demandes présentées par les candidats reçus dans le cadre du processus de traitement des plaintes est compatible avec l'objet pour lequel les renseignements ont été obtenus, à savoir, solliciter une nomination au sein de l'ACIA au moyen d'un concours de dotation--Le jury de sélection aurait dû tenir compte de ce fait et divulguer les renseignements demandés--Les renseignements personnels se trouvant dans les demandes présentées par les candidats reçus qui ne concernaient pas leurs attributions et leurs fonctions antérieures pendant qu'ils étaient à l'emploi d'une «institution fédérale» ne pouvaient être divulgués--Ces renseignements n'étaient pas pertinents à la plainte du demandeur et auraient dû être prélevés des documents demandés--En ce qui concerne la divulgation des réponses fournies par les candidats reçus et les notes d'évaluation préparées par le jury de sélection à ce sujet, l'appelant a prétendu pour la première fois à l'audience que l'examen n'avait pas été évalué de façon équitable et uniforme--Ce motif ne faisait pas partie de la plainte initiale, ni de la correspondance qui s'en est suivie avec le gestionnaire délégué--L'équité procédurale n'exigeait pas que l'ACIA ou le tribunal, conformément à la politique, communique ces documents--Les réponses d'examen des autres candidats ne se rapportaient pas à la plainte initiale du demandeur qui avait été envoyée au tribunal (horaire des examens écrits, validité des questions de vérification des connaissances)--La décision selon laquelle les réponses d'examen ne se rapportaient pas à la plainte n'ont pas compromis la capacité du demandeur de présenter ses arguments--Demande accueillie--Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 3 «institution fédérale», «responsable d'institution fédérale»--Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, L.C. 1997, ch. 6, art. 7, 13--Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33.