RELATIONS DU TRAVAIL |
Actton Transport Ltd. c. Steeves
A-361-03
2004 CAF 182, juge Pelletier, J.C.A.
5-5-04
15 p.
Appel interjeté contre le rejet d'une demande de contrôle judiciaire d'une ordonnance de paiement--Russell Lyle McIvor (McIvor), un ex-employé d'Actton Transport Ltd. (Actton), s'est plaint aux fonctionnaires du ministre du Travail défendeur (le ministre) qu'on ne lui avait pas payé les heures supplémentaires auxquelles il avait droit--Comme Actton est un employeur régi par les lois fédérales, le droit de McIvor à des heures supplémentaires relevait du Règlement sur la durée du travail des conducteurs de véhicules automobiles (le Règlement)--Pour ce qui est des heures supplémentaires, le Règlement fait une distinction entre un conducteur urbain de véhicule automobile et un conducteur routier de véhicule automobile--C'est la «pratique courante de l'industrie» qui dira si un chauffeur est l'un ou l'autre--Une représentante du ministre a conclu que McIvor était un conducteur urbain de véhicule automobile, après avoir fait une enquête pour savoir à quelle distance de leurs terminus d'attache travaillaient en général les conducteurs urbains de véhicules automobiles dans la région de Calgary--Elle a conclu que McIvor avait droit à des heures supplémentaires après avoir travaillé 45 heures par semaine--Elle a émis un ordre de paiement enjoignant à Actton de payer à McIvor environ 1 000 $ en heures supplémentaires--Selon Actton, la définition de «conducteur urbain de véhicule automobile» en fonction de la pratique courante de l'industrie dans le secteur géographique où travaille le conducteur était incertaine au point de rendre invalide le Règlement--Actton a fait valoir que, en laissant à un fonctionnaire le soin de déterminer la «pratique courante de l'industrie», le gouverneur en conseil a transformé un pouvoir législatif en un pouvoir administratif, ce qui équivaut à une délégation illicite--Le Code canadien du travail autorise le gouverneur en conseil à définir la durée normale de travail des employés travaillant dans des secteurs où l'application des règles générales exposées aux articles 169 et 171 serait préjudiciable aux intérêts des employés ou des employeurs-- Le Règlement soustrait au régime général l'emploi des conducteurs de véhicules automobiles et prévoit donc des règles différentes pour les conducteurs urbains et routiers de véhicules automobiles--Après avoir fixé un critère arbitraire, c'est-à-dire un rayon de 10 milles à partir du terminus d'attache du conducteur, le Règlement tient compte également de la reconnaissance de la pratique qui a cours dans l'industrie --La distinction entre les conducteurs urbains et les conducteurs routiers de véhicules automobiles d'après la pratique courante de l'industrie s'accorde avec l'intention du législateur, puisque la pratique courante est une question de fait et non une question de pouvoir administratif--Lorsqu'un fonctionnaire est appelé à constater ce qu'est la pratique courante, en vue de l'appliquer à un cas donné, il ne légifère pas, il établit un fait--Le principe établi dans les précédents invoqués par Actton est que, lorsqu'un décideur est par délégation autorisé à décider certaines questions par règlement, le règlement qu'il prend dans l'exercice de son pouvoir doit effectivement décider les questions--Le règlement ne peut simplement conférer au décideur le pouvoir de décider administrativement ce que la loi l'oblige à décider par règlement--L'obligation pour le gouverneur en conseil de procéder par règlement a été accomplie lorsque le gouverneur en conseil a précisé dans un règlement que la distinction entre un conducteur urbain et un conducteur routier de véhicule automobile devait se faire selon la pratique courante de l'industrie--La base de la distinction est précisée dans le Règlement--Le rôle du fonctionnaire est de constater l'existence d'une pratique courante telle qu'elle existe dans le secteur géographique, puis d'appliquer la pratique en question--La raison d'être d'un tel régime, c'est que l'employeur qui n'est pas tenu de payer des heures supplémentaires à son employé tant qu'il n'a pas travaillé 60 heures jouit d'un avantage significatif sur celui qui doit payer des heures supplémentaires après 45 heures--Si la loi autorisait l'employeur à décider par lui-même de payer ou non des heures supplémentaires après 45 ou 60 heures, en se limitant à envoyer en mission un employé au-delà d'un rayon de 10 milles, il y aurait très peu de conducteurs urbains de véhicules automobiles--Le recours à la pratique courante de l'industrie comme facteur déterminant est un moyen de prémunir les employés contre des affectations dont l'objet serait simplement de limiter leur droit à des heures supplémentaires--Appel rejeté--Règlement sur la durée du travail des conducteurs de véhicules automobiles, C.R.C. 1978, ch. 990, art. 20(4)--Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 169 (mod. par L.C. 1993, ch. 42, art. 14), 171.