INJONCTIONS |
Paul c. Canada
T-646-01
2002 CFPI 615, juge Lemieux
31-5-02
87 p.
Demande visant à obtenir une injonction interlocutoire ordonnant aux défendeurs de ne prendre aucune nouvelle mesure visant à conclure ou à mettre en oeuvre l'accord définitif visé par la demande introductive d'instance jusqu'à ce que certaines conditions soient remplies--Le 7 janvier 2000, les défendeurs ont signé un accord de principe--Cet accord devait mener à la conclusion d'un accord définitif qui, une fois ratifié, le cas échéant, constituera un accord sur des revendications territoriales globales et l'autonomie gouvernementale au sens de l'art. 35 de la Loi constitution-nelle de 1982 en ce qui concerne la région North Slave (NSR) dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.)-- Le demandeur Clem Paul est un Métis résidant à Yellowknife (T.N.-O.)--Il n'est ni un Dogrib ni d'ascendance Dogrib-- L'Alliance Métis North Slave (l'Alliance) a été constituée en novembre 1996 et regroupe trois organisations de Métis de la NSR--Le 12 avril 2001, les demandeurs ont introduit une action contre les défendeurs, prétendant que les Métis indigènes de la NSR, descendants des familles métisses qui s'étaient installées aux abords de la rivière Rouge au Manitoba, sont un peuple autochtone à part entière--Les défendeurs ne reconnaissent pas l'existence des Métis indigènes de la NSR à titre de collectivité ou de peuple autochtone distinct disposant de droits et de titres ancestraux dans la NSR--Les demandeurs doivent satisfaire au critère à trois volets applicable à la délivrance d'une injonction interlocutoire: 1) que leur demande comporte une question sérieuse, 2) qu'en l'absence d'une injonction, ils subiront une préjudice irréparable et 3) que la prépondérance des inconvénients joue en leur faveur-- La Cour ne prononcera pas d'injonction interlocutoire contre la Couronne ou contre un ministre de la Couronne dans les affaires constitutionnelles, sauf dans certaines circonstances exceptionnelles, lorsque le juge saisi de la requête peut décider du fond de la demande au stade interlocutoire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce--Une injonction interlocutoire ne peut être prononcée contre le Canada--Le gouvernement des T.N.-O. ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de convaincre la Cour qu'elle n'a pas compétence pour prononcer une injonction interlocutoire à son encontre-- L'objection préliminaire soulevée par le gouvernement des T.N.-O. est rejetée--Le recours des demandeurs n'est pas entaché d'un vice irrémédiable (la prématurité) qui empêcherait ceux-ci d'obtenir une injonction interlocutoire visant à interdire la poursuite des négociations pour la conclusion d'un accord définitif entre les défendeurs concernant la Nation Dogrib--Les violations de droits alléguées par les demandeurs ne sont pas fondées sur une mesure législative mais sur des droits ancestraux allégués qu'il reste à établir--Le critère de la question sérieuse n'est pas un critère strict, particulièrement dans les cas qui concernent la Charte, en raison de la difficulté inhérente à juger de questions de fait et de droit complexes sur la foi des quelques éléments de preuve disponibles au stade de l'injonction interlocutoire-- Les demandeurs soutiennent que leur demande soulève plusieurs questions sérieuses--Les questions soulevées par les demandeurs sont sérieuses--Les demandeurs ont satisfait aux exigences minimales du critère de la question sérieuse--Il incombe aux demandeurs d'établir le préjudice irréparable qu'ils subiront au cas où l'injonction ne serait pas accordée-- La preuve doit être claire et ne pas reposer sur des conjectures --Les demandeurs doivent démontrer qu'ils subiront un préjudice irréparable au cours de la période comprise entre ce jour et la date de l'instruction, préjudice auquel la Cour ne pourrait pas remédier au cas où la demande serait accueillie-- La plupart des éléments de preuve visant à établir un préjudice irréparable déposés par M. Paul ont trait aux conséquences à long terme et non à court terme, soit pendant la période comprise entre aujourd'hui et la date de l'instruction sur le fond--La clause de préservation des droits contenue dans l'accord assure, de manière générale, que les ajustements nécessaires seront apportés afin de tenir compte des droits que la Cour pourrait éventuellement reconnaître aux Métis indigènes de la NSR--Les différents arguments des demandeurs concernant le préjudice irréparable à court terme reposent sur une interprétation erronée de l'objet et de la portée de l'accord définitif et sur des prétentions inexactes-- Dans plusieurs cas, la crainte de préjudice est conjecturale-- L'accord définitif ne porte pas sur les droits qu'ont les Métis indigènes dans la NSR, mais plutôt sur le règlement des droits de la Nation Dogrib vivant principalement dans les quatre collectivités Dogrib situées dans la NSR--Les demandeurs n'ont pas établi l'existence d'un préjudice irréparable justifiant le prononcé d'une ordonnance interlocutoire durant le court délai qui sépare ce jour de l'instruction de la demande sur le fond--Dans tous les litiges de nature constitutionnelle, l'intérêt public doit être considéré dans l'appréciation de la prépondérance des inconvénients--Les défendeurs subiraient un préjudice plus grand si l'injonction était accordée que celui que subiraient les demandeurs si elle était refusée--L'intérêt public milite largement en faveur des défendeurs--Un autre argument important qui penche en faveur des défendeurs est le délai des demandeurs à entreprendre leur recours-- Demande rejetée--Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35.