PRATIQUE |
Suspension d'instance |
Price c. Canada (Procureur général)
T-954-03
2003 CFP 764, juge Tremblay-Lamer
19-6-03
13 p.
Demande pour la délivrance d'une ordonnance provisoire suspendant l'application, jusqu'à décision finale, de l'art. 165.21(4) de la Loi sur la défense nationale et des art. 15.17 et 101.175 des Ordonnances et règlements royaux, et interdisant aux défendeurs de mettre fin à la charge de juge militaire du demandeur--Le demandeur est un officier au sein des Forces canadiennes; il a le grade de commandant--Le tableau pertinent ajouté à l'art. 15.17 prévoit que l'âge de la retraite pour un lieutenant-colonel et un major est de 55 ans-- Demandeur cessant d'occuper la charge de juge militaire le 3 juillet 2003--Le ministre de la Défense nationale a annoncé qu'il compte porter à 60 ans l'âge de la retraite obligatoire pour tous les membres des Forces canadiennes, y compris les juges militaires--Le demandeur a présenté une demande pour obtenir une déclaration portant que le régime de retraite obligatoire enfreint l'art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, sans que la justification puisse s'en démontrer aux fins de son article premier--Le demandeur n'a droit à la mesure de redressement demandée que s'il peut satisfaire aux trois éléments du critère énoncé dans RJR--Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1974] 1 R.C.S. 311--Le premier élément du critère concerne la question de savoir si le demandeur a soulevé une question sérieuse--La question de savoir si l'actuel régime de retraite obligatoire des Forces canadiennes, en fonction uniquement de l'âge, est valide ou non au plan constitutionnel satisfait au critère de la question sérieuse--Le second élément du critère nécessite d'établir si, faute de l'octroi de la mesure de redressement provisoire demandée, le demandeur subirait un préjudice irréparable--La charge de juge militaire du demandeur lui procure des avantages autres que pécuniaires--Si la mesure de redressement provisoire n'est pas accordée, le demandeur perdra l'occasion de s'acquitter de son mandat de juge militaire à moins d'être de nouveau nommé à ce poste-- Pareille perte ne pourrait être compensée au moyen de dommages-intérêts--Le demandeur subira un préjudice irréparable s'il perd sa charge de juge militaire en raison du régime actuel de retraite obligatoire--Le troisième élément du critère consiste à établir si la prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur ou du défendeur--Les injonctions interlocutoires interdisant l'application d'une mesure législative dont on conteste la constitutionnalité ne doivent être délivrées que dans les cas manifestes--Une loi valablement adoptée est présumée l'avoir été pour le bien du public--La présomption d'intérêt du public à ce que la loi soit appliquée joue un grand rôle--L'intérêt du public dans le maintien d'une mesure législative dûment adoptée l'emporte sur l'inconvénient causé au demandeur--La Cour ne devrait pas ordonner, par suite d'une requête interlocutoire, sauf dans de rares circonstances, que le demandeur agisse et soit traité comme si une mesure législative était inconstitutionnelle avant qu'elle ait fait l'objet d'un examen constitutionnel complet--Il faut faire preuve de prudente réserve lorsqu'on se prononce sur la constitutionnalité d'une loi au stade interlocutoire sans qu'il y ait eu examen exhaustif de la question--La décision du ministre de la Défense nationale de porter à 60 ans l'âge de la retraite obligatoire pour tous les membres des Forces canadiennes ne constitue pas une reconnaissance du fait que le régime actuel de retraite obligatoire est inconstitutionnel--Accorder la suspension soulèverait des inquiétudes quant à la validité des cours martiales présidées par le demandeur après le 3 juillet 2003 dans l'attente de la décision sur la constitutionnalité des dispositions contestées--Il y a possibilité de contestations de la compétence du demandeur à siéger comme juge militaire en raison de l'incertitude quant à son habilité--La prépondérance des inconvénients penche en faveur des défendeurs--L'intérêt public dans la bonne administration de la justice commande de ne pas accorder la suspension--Demande rejetée--Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, art. 165.21 (édicté par L.C. 1998, ch. 35, art. 42)--Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (révision de 1968), art. 15.17, 101.175--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 15.