[2012] 4 R.C.F. F-5
Peuples autochtones
Contrôle judiciaire de la décision de Pêches et Océans Canada (MPO) de délivrer des permis d’aquaculture de poissons à Mainstream Canada et Marine Harvest Canada Inc.—Le nouveau cadre réglementaire du MPO découle directement de la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique (Morton v. British Columbia (Agriculture and Lands), 2009 BCSC 136) selon laquelle le cadre réglementaire provincial régissant l’aquaculture était inconstitutionnel et l’aquaculture de poissons relevait de la compétence exclusive du gouvernement fédéral—La demanderesse, une Première Nation, a allégué que l’abondance et la qualité de ses ressources halieutiques était en déclin partiellement à cause de la présence de fermes salmonicoles sur son territoire—Il était question de savoir si le demandeur avait ou non la qualité requise afin de présenter cette demande; si le Canada (MPO) avait l’obligation ou non de consulter le demandeur avant de délivrer les permis en question et, dans l’affirmative,la portée de cette obligation; si les efforts de consultation du MPO ont été raisonnables ou non compte tenu des circonstances—L’intimé, soit le Procureur général, a soutenu que la demande ne pouvait être présentée à titre d’instance par représentation conformément à l’art. 114(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, que par un membre au nom du groupe autochtone pétendant détenir le droit ancestral—La règle 114 ne laisse aucun doute quant à l’intention du législateur—Il s’agit d’une disposition facultative, et non impératrice—Il n’est pas exigé que toutes les actions collectives soient intentées en vertu de cette règle—Une bande indienne est une entité juridique et politique qui peut elle-même ester en justice et être condamnée par jugement—Dans le cas présent, c’est la bande elle-même qui était la demanderesse, et non un représentant agissant en son nom—La demande n’est pas irrémédiablement viciée du seul fait qu’elle n’a pas été déposée par un représentant agissant au nom du demandeur—Quant à l’obligation de consulter, le demandeur a fait valoir que la décision d’émettre des permis pouvait avoir une incidence sur les droits de pêche—Une lecture attentive de la décision rendue dans Adams Lake Indian Band v. British Columbia (Lieutenant Governor in Council), 2011 BCSC 266 et dans Gitxsan v. British Columbia (Minister of Forests), 2002 BCSC 1701 démontre que c’est le caractère incertain des principes d’après lesquels la nouvelle instance dirigeante entend fonctionner qui déclanche l’obligation de consulter de la Couronne—Dans le cas présent, seul le temps dira si la décision Morton influera radicalement sur la réglementation de l’aquaculture—Compte tenu de ce recentrage fondamental dans la gestion de l’industrie aquacole, le gouvernement fédéral avait l’obligation de consulter la demanderesse ainsi que toutes les autres Premières Nations présentes dans la région—Le renouvellement d’un permis est également suffisant pour donner lieu à l’obligation de consulter, étant donné que chaque nouveau permis est susceptible de porter atteinte au droit ou titre revendiqué—Toutefois, l’étendue des changements entraînés par le renouvellement constitue un facteur essentiel à prendre en compte au moment d’évaluer l’étendue de l’obligation de consulter—Dans le cas présent, le Canada a fait ce qu’il devait faire dans les circonstances pour préserver l’honneur de la Couronne et favoriser la conciliation des intérêts en jeu—Dans l’ensemble, les consultations menées par le MPO concernant le cadre réglementaire et la délivrance de permis étaient raisonnables—Demande rejetée.
Première nation Kwicksutaineuk Ah-Kwa-Mish c. Canada (Procureur général) (T-70-11, 2012 CF 517, juge de Montigny, jugement en date du 3 mai 2012, 56 p.)