PRATIQUE |
Frais et dépens |
Wilson c. Canada
T-1677-79, T-3488-82, T-2518-89, T-2521-89, T-2522-89
juge Dawson
27-10-00
22 p.
Le demandeur demande que la taxation des dépens soit révisée conformément à la règle 414 des Règles de la Cour fédérale (1998); la Couronne sollicite une ordonnance refusant les intérêts par ailleurs dus au demandeur relativement aux dépens taxés en faveur du demandeur dans les dossiers T-1677-79 et T-3488-82 ou une ordonnance limitant les intérêts dus au demandeur--Les appels qu'a interjetés le demandeur contre certaines cotisations fiscales dans les dossiers T-1677-79 et T-3488-82 ont été accueillis avec dépens le 31 août 1988--Le demandeur a également obtenu un jugement avec dépens dans le dossier T-2521-89 le 23 juillet 1996--La Couronne a eu gain de cause dans les dossiers T-2518-89 et T-2522-89 et les dépens lui ont été alloués--Après compensation des dépens conformément à la règle 408(2) des Règles de la Cour fédérale (1998), la somme de 1 079,66 $ a été certifiée comme constituant une dette de la défenderesse envers le demandeur--L'officier taxateur a donné une interprétation large à la règle 408(2) (qui permet la compensation) compte tenu des principes généraux contenus à la règle 3 (interprétation des Règles de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible)--Il a conclu qu'il existe un certain fondement à l'inquiétude de la Couronne quant à l'absence de moyens réalistes de recouvrer les sommes en cause dans la juridiction s'il n'y a pas de compensation--L'officier taxateur a conclu qu'il n'avait pas compétence pour rendre une décision quant aux intérêts payables sur les dépens--Il a conclu que ni la règle 407 (les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec le tarif B) ni la règle 409 (permet la prise en compte des facteurs visés à l'art. 400(3) lors de la taxation des dépens) ne lui confèrent une telle compétence--L'officier taxateur a pris en considération, en tant que facteur applicable dans la taxation des dépens, le retard du demandeur--1) Les art. 222.1 et 225.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu interdisent-ils à la Couronne de recouvrer ses frais jusqu'à ce qu'il soit statué sur tous les appels?--Selon le demandeur, comme les appels étaient pendants, il n'y avait pas de condamnation aux dépens exécutoire--Une fois qu'une décision de première instance a été obtenue, l'art. 225.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu n'empêche pas le recouvrement forcé si la décision est par la suite portée en appel--Il n'y a aucune erreur de principe dans l'exercice par l'officier taxateur de son pouvoir discrétionnaire, prévu à la règle 408(2), de permettre la compensation--2) L'officier taxateur a-t-il commis une erreur en ne taxant pas les intérêts payables sur les dépens alloués au demandeur?--En vertu de l'art. 31(6) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, aucun intérêt ne peut être accordé sur un jugement contre la Couronne pour une période antérieure au 1er février 1992--Avant cette date, l'art. 36 de la Loi sur la Cour fédérale interdisait d'accorder des intérêts sur des sommes que devait la Couronne en l'absence de contrat ou de disposition législative à cet effet--En l'absence d'une telle disposition législative, il n'y a aucun fondement justifiant l'octroi d'intérêts avant jugement sur les dépens découlant des jugements de 1988--Quant aux intérêts après jugement, l'art. 41 de la Loi sur la Cour fédérale prévoyait ceci: les jugements, y compris ceux contre la Couronne, portent intérêt, à compter de leur prononcé, au taux fixé par l'art. 3 de la Loi sur l'intérêt (5 p. cent par an)--La jurisprudence a établi que les intérêts sur les dépens accordés à la suite d'une condamnation aux dépens couraient à partir du jour du jugement et non du jour de la taxation--En ce qui concerne les intérêts sur les dépens accordés dans le jugement de 1996, en particulier les intérêts avant jugement, l'art. 31(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif est applicable--En vertu de l'art. 31(1), les règles de droit en matière d'intérêts avant jugement qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance visant l'État--Comme la cause d'action est née en Ontario, la Loi sur les tribunaux judiciaires est applicable--En vertu de l'art. 128(4)c) de cette Loi, il n'est pas accordé d'intérêts avant jugement sur les dépens depuis le 25 novembre 1977--Quant aux intérêts après jugement, l'art. 129(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit que la somme d'argent due aux termes d'une ordonnance délivrée le ou après le 1er janvier 1985 porte intérêt au taux d'intérêt postérieur au jugement, à compter de la date de l'ordonnance--L'art. 129-(1) s'applique aux causes d'action nées après le 23 octobre 1989--Il n'est pas clair que la cause d'action dans le jugement de 1996 est née après le 23 octobre 1989 parce que ce jugement se rapportait à la nouvelle cotisation d'impôt sur le revenu du demandeur pour l'année d'imposition 1978 et découlait d'un avis de nouvelle cotisation délivré le 1er février 1989--Avant le 23 octobre 1989, l'art. 140 de la Loi sur les tribunaux judiciaires de 1984 prévoyait que le tribunal pouvait, s'il l'estimait juste, refuser des intérêts, accorder des intérêts à un taux supérieur ou inférieur à celui prévu ou accorder des intérêts pour une période différente de celle prévue--En conséquence, le demandeur n'a pas droit à des intérêts avant jugement sur ses dépens, mais il a droit à des intérêts après jugement sous réserve de l'exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'art. 140; l'exercice de ce pouvoir est régi par la jurisprudence de la Cour fédérale ou par celle des tribunaux de l'Ontario, selon que le jugement a été rendu avant le 1er février 1992 ou par la suite--Dans l'arrêt Ministre du Revenu national c. Bethlehem Copper Corp. Ltd., [1977] 1 C.F. 577 (C.A.), la Cour a conclu que les intérêts sur les dépens taxés au moment voulu en application d'un jugement doivent courir du jour où il a été prononcé, sous réserve d'une ordonnance contraire--Dans les présentes affaires, aucune ordonnance contraire n'a été rendue--Le demandeur a donc droit à des intérêts sur les jugements de 1988 au taux de 5 p. cent par an, prescrit par l'art. 3 de la Loi sur l'intérêt--En ce qui a trait au jugement de 1996, le demandeur a, conformément à l'art. 129 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, droit à des intérêts sur ce jugement à compter de la date où il a été rendu, au taux d'intérêt postérieur au jugement, établi à 6 p. cent dans la Loi sur les tribunaux judiciaires--L'officier taxateur a commis une erreur de principe en fondant le fait qu'il n'a pas taxé les intérêts sur les dépens sur les règles 407 et 409--Le droit à des intérêts dépend du libellé de la loi applicable et de l'ordonnance du juge présidant ou du protonotaire--Les Règles n'autorisent pas l'officier taxateur à accorder ou à refuser des intérêts--3) L'officier taxateur a--t-il commis une erreur en omettant d'examiner correctement les facteurs énoncés à la règle 400?--Le tarif B représente un compromis entre l'indemnisation de la partie qui a gain de cause par l'allocation des dépens et la non-imposition d'une charge excessive à la partie qui succombe--Ce n'est que dans les cas exceptionnels que la Cour peut s'écarter du tarif B--Lorsqu'il taxe les dépens, l'officier taxateur jouit du pouvoir discrétionnaire de tenir compte des facteurs mentionnés à la règle 400(3)--Compte tenu de ce pouvoir discrétionnaire, des faits de l'espèce et de la longue période qui s'est écoulée avant que la taxation des dépens ne soit réclamée, il n'y a aucune erreur de principe relativement aux taxations --4) Les intérêts payables devraient-ils être réduits en raison de la période qui s'est écoulée avant que le demandeur ne fasse taxer ses dépens?--Compte tenu de la réduction du montant des dépens en raison du retard, il n'est pas juste de réduire les intérêts auxquels aurait par ailleurs droit le demandeur--L'allocation d'intérêts vise à assurer que le niveau de l'indemnité issu d'une adjudication des dépens ne s'érode pas avec le passage du temps--La Couronne a pu utiliser la somme qu'elle aurait par ailleurs dû payer au demandeur relativement aux dépens--Elle ne devrait pas être avantagée en n'étant pas obligée en temps normal de payer des intérêts sur les dépens alloués--Sans l'omission de l'officier taxateur d'inclure le droit prévu par la loi à des intérêts après jugement dans le certificat de taxation, il n'y a aucun fondement justifiant l'annulation de la taxation des dépens--La requête de la Couronne visant à obtenir une ordonnance refusant les intérêts dus au demandeur est rejetée--La Couronne a droit à des intérêts après jugement --Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 3, 400, 407, 408(2), 409--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 221.1 (édicté par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 183), 225.1 (mod., idem, art. 184; L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII; ch. 21, art. 103; 1998, ch. 19, art. 225)--Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, art. 31(6) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 31)--Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 36, 41--Loi sur l'intérêt, L.R.C. (1985), ch. I-15, art. 3--Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. 43, art. 128, 129, 140 (mod. par L.O. 1989, ch. 67, art. 8).