CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION |
Exclusion et renvoi |
Personnes interdites de territoire |
Alibey c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)
IMM-2649-02
2004 CF 305, juge Russell
2-3-04
37 p.
Contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas rejetant la demande de résidence permanente--L'épouse du demandeur est tétraplégique--Il n'est pas prévu que son état puisse s'améliorer--Le médecin agréé qui a préparé un Avis médical a décrit les problèmes de santé de l'épouse et exprimé l'avis que son admission au Canada entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé canadiens--Un deuxième médecin agréé a examiné le dossier de l'épouse et s'est rangé à cet avis du premier--L'argument principal du demandeur porte qu'on n'a pas appliqué correctement l'art. 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration, du fait que le médecin agréé n'a pas examiné les circonstances particulières à la situation du demandeur, n'a pas envisagé la question de savoir si, au vu de l'état actuel de l'épouse et de sa situation familiale, on pouvait s'attendre à un fardeau excessif--Le demandeur s'appuie sur Badwal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 64 D.L.R. (4th) 561 (C.A.F.) et sur Lau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 146 F.T.R. 116 (C.F. 1re inst.)--Dans Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] 1 R.C.F. 696 (C.A.F.), le juge Evans, J.C.A., a déclaré que «le fait que les parents de la personne concernée disposent de ressources suffisantes pour assumer le coût des services sociaux n'est pas un élément que le médecin agréé doit prendre en considération lorsqu'il évalue la probabilité que l'admission d'une personne au Canada entraîne un fardeau excessif pour les services sociaux, même si ces services sont offerts avec récupération, totale ou partielle, des coûts ou peuvent être achetés auprès d'organismes privés [. . .] la Cour ne devrait ajouter à cette liste des éléments implicites que si ces derniers renforcent l'efficacité du régime législatif»--Le demandeur soutient que, contrairement à la situation dans Hilewitz, son épouse n'aura pas besoin de services sociaux et qu'il n'existe aucune exigence législative qu'elle soit scolarisée--On ne peut trouver dans les dicta du juge Evans, J.C.A., dans Hilewitz, quelque chose qui donnerait un sens à une telle distinction-- Hilewitz nous donne une interprétation de l'art. 19(1)a)(ii) de la Loi portant que le législateur n'avait pas l'intention d'obliger les médecins agréés à se lancer dans une enquête approfondie, difficile et certainement spéculative lorsqu'ils appliquent ce texte--Le demandeur soutient que son épouse n'a simplement pas besoin d'un service dont le coût devra être absorbé par les fonds publics--Mais la propre preuve du demandeur établit que son épouse exige une attention constante de sa famille, ainsi que d'autres personnes-- Par conséquent, l'affaire en l'espèce se situe dans le cadre des principes énoncés dans Hilewitz et le médecin agréé n'avait pas à tenir compte d'aspects non médicaux dans son évaluation du fardeau excessif, comme le soutien de la famille et le fait qu'elle était disposée et capable de payer-- L'obligation du médecin agréé en vertu de l'art. 19(1)a)(ii) était d'examiner la nature, la gravité ou la durée probable de l'état de santé de l'épouse ainsi que tous les «éléments implicites [. . .] [qui] renforcent l'efficacité du régime législatif»--La décision Lau (le principe des circonstances particulières à chaque cas) continue à s'appliquer, on doit l'interpréter à la lumière de Hilewitz et du champ plus restreint de l'examen du médecin agréé--La formulation d'une évaluation de fardeau excessif exige que le médecin agréé décide si la maladie, le trouble, le handicap ou toute autre déficience médicale «entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé», ce qui exige du médecin agréé, en application de Badwal, qu'il porte «un jugement sur les probabilités fondé sur une évaluation de l'état de santé actuel du requérant»--Dans Hilewitz, la Cour d'appel fédérale semble approuver Badwal--Au vu de la norme de la décision correcte, le médecin agréé et l'agent des visas n'ont commis aucune erreur susceptible de révision--Le demandeur n'a pas soulevé de justification suffisante pour établir l'existence d'un vice dans les évaluations médicales ou dans la décision de l'agent des visas--Il y avait un fondement suffisant dans la preuve pour étayer la conclusion que l'épouse entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé et le médecin agréé s'est posée la bonne question, a procédé à une analyse suffisante et a tenu compte de la preuve pertinente--En fait, il a même tenu compte de la situation familiale de l'épouse et énoncé des hypothèses raisonnables au sujet des services médicaux dont elle aurait besoin--La conclusion que «le niveau de soins [nécessaire] est exigeant tant sur le plan physique que financier» vient appuyer l'évaluation que l'épouse «entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé»--L'argument du demandeur pour dire que cette conclusion est incorrecte porte essentiellement que la plupart des besoins physiques et financiers anticipés ne comptent pas puisque la famille de l'épouse s'occupe des services requis et a suffisamment de moyens pour que l'épouse ne puisse jamais satisfaire au critère du besoin financier essentiel pour obtenir les divers services publics mentionnés par le médecin agréé--Bien que le demandeur conteste le fait que son épouse pourrait avoir droit à plusieurs des services mentionnés, Hilewitz nous indique que «[s]i l'avis médical est fondé sur des preuves, les tribunaux doivent faire preuve d'une grande retenue à l'égard des conclusions de fait sur lesquelles est fondé l'avis et sur la façon dont le médecin agréé a appliqué aux faits les dispositions législatives»--L'admissibilité ramène la question à celle de savoir si l'on est disposé ou capable de payer, et Hilewitz dit que le Parlement n'avait pas l'intention d'obliger les médecins agréés à l'examiner--En examinant l'évaluation du médecin agréé au vu des dicta de Hilewitz, on ne peut arriver à la conclusion que son point de vue au sujet du fardeau excessif est incorrect--Le dernier argument du demandeur est que le médecin agréé a enfreint son obligation d'équité, le demandeur n'ayant pas reçu un avis adéquat de ce qu'il devait examiner pour contester l'Avis médical et le médecin agréé s'étant appuyé sur des sources particulières de renseignements sans les divulguer au demandeur--Un examen de la correspondance entre les parties et des prétentions du demandeur donnent à penser que le demandeur avait suffisamment de renseignements et de connaissances pour pouvoir véritablement participer au processus--Le demandeur savait quelle était la situation à laquelle il faisait face--S'agissant de questions spécifiques portant sur les coûts et l'admissibilité, l'affidavit du médecin agréé indique que non seulement il a examiné la documentation fournie par le demandeur, mais qu'au sujet des coûts, il s'est appuyé sur d'autres sources de renseignements --L'objectif de l'évaluation du médecin agréé était de trancher la question de savoir si l'épouse entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé--Le demandeur savait que les coûts seraient en cause, étant donné qu'il a eu l'occasion de réagir à l'opinion négative et qu'il l'a fait en fournissant une documentation tendant à démontrer que le fardeau financier ne serait pas important au vu de l'appui de sa famille--Le fait que le demandeur n'avait pas une connaissance précise des recherches du médecin agréé ne l'a pas empêché de véritablement participer au processus visant cette question centrale--En fait, il y a eu participation véritable et l'obligation d'équité a été respectée--Demande rejetée--Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19(1)a)(ii).