BREVETS |
Pratique |
Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc.
T-1100-97
2004 CF 206, la protonotaire Aronovitch
11-2-04
13 p.
Sens à donner aux «graves conséquences» dans le contexte d'une action en contrefaçon de brevet --Requête présentée par Lilly en vue de modifier sa déclaration pour demander diverses réparations au titre des «conséquences graves», sur le fondement que la Cour a indiqué en de nombreuses occasions que de telles conséquences frapperaient le fabricant de médicaments génériques qui envoie un avis d'allégation trompeur à un innovateur pour obtenir l'approbation en vue de la commercialisation d'un médicament générique--Lilly alléguait que les deux avis d'allégation d'Apotex étaient inexacts et trompeurs--Apotex avait intenté une action, encore pendante, en vertu de l'art. 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), dans le dossier T-320-01, dans laquelle elle demandait des dommages-intérêts par suite des pertes subies au cours de la période où elle s'était trouvée écartée du marché en raison de la demande d'interdiction de Lilly en vertu de l'art. 6(1) du Règlement--Sur le fondement des allégations que les deux avis d'allégation d'Apotex sont inexacts et trompeurs, Lilly demande la réparation additionnelle suivante au titre des «conséquences graves»: la suspension de l'action d'Apotex en vertu de l'art. 8 et toute autre réparation non précisée que la Cour pourrait accorder au titre des «conséquences graves» et de la contrefaçon de brevet--Il n'y a rien dans la jurisprudence qui donne à penser que l'avertissement concernant les conséquences graves que pourrait subir un fabricant de médicaments génériques est autre chose que l'annonce de la responsabilité potentielle pour des dommages-intérêts additionnels ou exemplaires qui sont connus en droit et qui peuvent être obtenus actuellement pour contrefaçon de brevet --Les «conséquences graves» ne constituent pas une cause d'action indépendante--Le lord juge Diplock a, dans l'arrêt Letang c. Cooper, [1965] 1 Q.B. 232 (C.A.), défini la notion de «cause d'action» comme suit: [] «situation factuelle donnant à une personne le droit d'obtenir du tribunal une réparation contre une autre personne»--Il y a aussi un aspect juridique--En droit, les allégations portant qu'un avis d'allégation est trompeur ou inexact, à elles seules, ne sont pas des faits qui justifient une réparation précise dans une action ne pouvant être intentée qu'à l'égard de cette seule cause d'action ou qui donnent lieu à une telle réparation-- Pour la même raison, les «conséquences graves» ne peuvent non plus être greffées à une action en contrefaçon de brevet comme accessoires à celle-ci--La jurisprudence ne laisse pas entendre que les conséquences graves pourraient équivaloir à des formes de réparation distinctes, nouvelles ou non définies--On ne trouve rien non plus dans l'annonce de conséquences graves faite par la Cour qui donne à entendre que les formes de réparation actuellement ouvertes en cas de contrefaçon de brevet n'offrent pas une réponse satisfaisante aux griefs ayant trait à un avis d'allégation inexact--Les allégations qui pourraient appeler des «conséquences graves» ne peuvent fonder une action en justice nouvelle, ou même une action en justice quelconque, et les «conséquences graves» ne sont rien d'autre que des formes de réparation actuellement ouvertes pour contrefaçon de brevet--Quant à l'action intentée en vertu de l'art. 8, la forme de réparation que Lilly cherche à ajouter à la demande et à laquelle Apotex s'oppose avec une énergie farouche est la déclaration portant qu'il serait interdit à Apotex d'obtenir une réparation pour tout retard dans la délivrance de l'avis de conformité, dans l'action intentée en vertu de l'art. 8 ou, à titre subsidiaire, suspendant de façon permanente toute procédure du genre-- Les demanderesses soutiennent que la Cour fédérale a compétence pour formuler les réparations voulues en common law et en equity, lorsque l'objet du litige relève de sa compétence, par exemple en matière de contrefaçon de brevet et de questions accessoires à la contrefaçon de brevets--Pour attribuer le pouvoir extraordinaire de suspendre une procédure devant un autre tribunal, il faut une disposition expresse--À défaut d'un tel pouvoir exprès, la suspension d'instance est manifestement une ordonnance par laquelle la Cour suspend l'instance dont elle-même est saisie, non celle dont un autre tribunal est saisi--Les cours supérieures ne se donnent pas mutuellement des ordres ni ne s'ingèrent, par ordonnances, dans leurs procédures respectives--L'art. 50 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit expressément le pouvoir de la Cour de suspendre des instances--On ne peut y voir le fondement législatif permettant à la Cour fédérale siégeant dans une affaire de contrefaçon de brevet de suspendre une action séparée en vertu de l'art. 8, éventuellement au stade de l'instruction, dont est saisi un autre juge de la Cour fédérale, même si les deux procédures concernent les mêmes parties, et certains éléments de preuve similaires--Il n'existe pas d'affaire dans laquelle une suspension d'une action en Cour fédérale a été demandée ou accordée devant cette Cour dans une procédure autre que celle dont la suspension était demandée--La réparation demandée par les demanderesses ne leur est pas ouverte--Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 6(1) (mod. par DORS/98-166, art. 5), 8 (mod., idem, art. 8)--Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 50 (mod., idem, art. 46).