ACCÈS À L'INFORMATION |
Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac c. M.R.N.
T-877-00
2003 CF 1037, juge Russell
8-9-03
53 p.
Demande sollicitant la délivrance d'une ordonnance portant que le MRN (le défendeur) doit refuser la communication de certains documents de tiers (les documents), en vertu de l'art. 44 de la Loi sur l'accès à l'information (la Loi)--Les demandeurs sollicitent aussi une ordonnance protégeant la confidentialité des documents, y compris l'identité des auteurs des documents, identifiés comme les demandeurs A et B en l'espèce, en vertu des règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998) ainsi qu'en vertu de l'art. 47 de la Loi--Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac (CCFPT), demandeur, est une société canadienne à but non lucratif--Le demandeur A (A) est une firme de consultants qui se spécialise en analyse statistique--Le demandeur B (B) est une firme de consultants qui se spécialise en questions pénales --Le défendeur est le ministre du Revenu national, ainsi que le responsable de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC)--M. Robert Cunningham, une partie ajoutée, est un employé de la Société canadienne du cancer--C'est lui qui a présenté la demande d'accès à l'information à l'origine de la présente espèce--L'autre partie ajoutée est le Commissaire à l'information du Canada (le Commissaire à l'information)--Le 10 février 1999, le Commissaire à l'information a été saisi d'une plainte de M. Cunningham visant l'ADRC--Le 5 juillet 2000, le Commissaire à l'information a présenté les conclusions de son enquête au responsable de l'ADRC--En vertu de l'art. 37 de la Loi, M. Cunningham a reçu partie de ce rapport--Les conclusions du Commissaire à l'information que l'on trouve dans son rapport portent que tous les documents identifiés par l'ADRC sont pertinents à la demande d'accès--Le Commissaire à l'information a aussi conclu que les documents n'auraient pas dû être exemptés en vertu des art. 20(1) et 16 de la Loi et il a recommandé la divulgation immédiate des documents au demandeur, M. Cunningham--La non-pertinence n'est pas un motif pour exclure ou protéger une partie d'un document et il incombe à l'institution de déterminer ce qui est ou non pertinent à une demande; cependant, cette décision est normalement fondée sur un examen de chaque document afin de déterminer s'il est raisonnable de séparer les informations pertinentes de celles qui ne le sont pas--Le fait qu'une institution ne soit pas obligée de divulguer des renseignements non pertinents à un demandeur d'accès n'accorde pas aux tiers le droit d'empêcher la divulgation au motif de la non- pertinence--Dans le contexte de la demande et de la préparation des documents, l'ADRC n'avait pas tort de conclure que les questions de contrôle, d'offre et de demande, étaient intimement liées à l'amélioration du marquage droit acquitté--Le Commissaire à l'information était aussi saisi de ces questions et il a conclu, avec raison, «qu'on a donné une interprétation indûment restrictive à la demande d'accès et qu'on n'aurait pas dû refuser la divulgation des documents en cause au motif qu'ils n'étaient pas pertinents à la demande»-- L'absence de pertinence n'est pas un motif justifiant une ordonnance de non-divulgation en l'espèce--En plus de la pertinence, les demandeurs soutiennent que les documents doivent être exclus en vertu des diverses exemptions que l'on trouve à l'art. 20(1) de la Loi--Premièrement, en ce qui concerne les exemptions prévues à l'art. 20(1)a), la seule question à trancher au vu des faits en l'espèce consiste à savoir si les demandeurs ont établi le secret industriel en ce qu'il s'agirait d'un «renseignement de caractère technique, que l'on garde très jalousement et qui est pour celui qui le possède tellement précieux que sa seule divulgation ferait naître en faveur de ce possesseur une présomption de préjudice»-- La méthodologie est une chose que l'auteur a «perfectionnée à l'occasion de la préparation de plusieurs études confidentielles»--Ceci ne suffit pas à placer ces renseignements dans le cadre étroit et technique de «secret industriel» exposé par le juge Strayer dans Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétariat d'État) (1994), 27 Admin. L.R. (2d) 102 (C.F. 1re inst.)--L'auteur semble parler d'une méthode de traiter les données qu'il a développée après plusieurs années d'expérience--En arrivant à cette conclusion, la Cour présume que le terme «technique» utilisé par le juge Strayer a la signification de quelque chose «qui concerne les arts mécaniques et les sciences appliquées»--En l'espèce, la preuve irait plutôt dans le sens d'une connaissance analytique constituée par plusieurs années d'expérience intensive, et elle n'est pas assez solide pour établir une méthodologie unique qui pourrait satisfaire à une définition même large du terme «technique»--En ce qui concerne les exemptions prévues à l'art. 20(1)b), les deux rapports ont été préparés sous forme de projet pour distribution à un public limité et averti et, comme il ressort clairement des lettres couverture, ils ont été envoyés à l'ADRC sous le sceau de la confidentialité--Le CCFPT, A, B et l'ADRC avaient une assurance raisonnable que les documents ne seraient pas divulgués--Si les demandeurs avaient imaginé qu'on pouvait divulguer ces documents, ils auraient enlevé le nom des consultants et exigé qu'on ampute les rapports de parties importantes--Les projets ont été distribués aux fins de discussion seulement, comme il est clair au vu des lettres couverture--Tous les documents ne constituent pas des renseignements confidentiels de nature financière ou commerciale--La seule question à trancher consiste à savoir si une partie des documents peut faire l'objet d'une exemption pour ce motif--En sus du contenu évident des deux rapports, il y a une méthodologie analytique utilisée pour traiter les données et tirer les conclusions--On peut considérer qu'il s'agit là de renseignements commerciaux utilisés pour produire les rapports--Ayant été décidé qu'il ne s'agit pas d'un secret industriel, la question consiste maintenant à savoir si on peut traiter ces renseignements comme confidentiels au sens de la Loi--Il n'y a aucune raison de contester la preuve des demandeurs qui veut que les renseignements contenus dans les deux rapports ont été fournis par des tiers qui ont traité leur méthodologie analytique comme confidentielle de façon constante--Les rapports étaient des projets envoyés par le CCFPT sous «le sceau de la confidentialité», étant entendu que leur «diffusion serait limitée aux personnes directement impliquées dans la perception des taxes sur le tabac»--Toutefois, pour des raisons de politique publique, ces renseignements ne peuvent pas être gardés confidentiels dans le contexte de l'art. 20(1)b)--Les documents ont été présentés au gouvernement dans l'objectif de traiter de questions qui peuvent avoir un impact, ou qui ont peut-être déjà eu un impact, sur la politique gouvernementale en matière de tabac--Le fait d'en refuser l'accès au public ferait que celui-ci n'a aucun moyen de réagir, contrecarrant ainsi l'objectif même de la Loi--Pour ce qui est de l'exemption prévue à l'art. 20(1)c), l'examen de la preuve des demandeurs au sujet du risque vraisemblable de perte ou profit financier amène à la conclusion qu'elle est fondée sur des suppositions, même s'il n'y a pas eu de contre- interrogatoire à ce sujet--Au mieux, les demandeurs expriment leurs craintes quant à ce qui pourrait arriver--Ils ne démontrent pas l'existence d'un risque vraisemblable de préjudice probable au sens de l'art. 20(1)b)--De plus, si l'on accepte prima facie l'assertion des demandeurs que les documents, ainsi que les liens entre le CCFPT et l'ADRC, ne sont pas du lobbying, il est difficile de voir comment leur réputation serait diminuée par la divulgation de documents dont l'objectif est d'assurer l'application de la loi et de contrer les actes de contrebande--Enfin, en ce qui concerne l'art. 20(1)d), on n'a pas démontré que la divulgation des documents nuirait à des négociations contractuelles-- Demande rejetée en entier--Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 20, 44, 47--Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 151, 152.